Après un été à la météo plutôt capricieuse, le soleil s’est enfin mis à briller à partir du 1er septembre. Soudainement. Insolemment. Qui parmi nous n’a pas éprouvé de l’agacement voire une pointe de jalousie pour ceux qui commençaient leurs vacances au moment où nous reprenions le chemin du travail ? «Ce n’est pas juste ! Pourquoi ont-ils la chance que je n’ai pas eue ? »
Qu’il est difficile de se réjouir du bonheur des autres ! Qu’il nous est difficile d’éprouver une vraie joie pour les autres ! C’est exactement à cela que nous invite la parabole des ouvriers de la dernière heure. Dans cette histoire, ceux qui ont travaillé depuis le matin ont reçu le salaire qui leur était promis dès le départ. Pourtant, ils vont exiger plus, au motif que les ouvriers qui n’ont travaillé qu’une heure reçoivent le même salaire qu’eux. Leur raisonnement est logique, humain ; trop humain… Mais les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées. Sa justice n’est pas notre justice.
Par cette parabole, Jésus nous appelle à changer de regard. A cesser de regarder l’autre en se regardant soi-même. « Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? ». Le péché est souvent une question de regard ; de manière de regarder. La convoitise, c’est le désir immodéré de posséder ce qui est à l’autre. Et la convoitise me rend aveugle : elle me rend incapable de me réjouir de ce que j’ai, de ce que je suis. Tout est dans le regard : le regard que je pose sur l’autre ; le regard que je pose sur moi-même.
Dans cette conversion du regard à laquelle nous invite l’Evangile réside, il me semble, l’une des plus grandes clés du bonheur tant il vrai qu’une grande part de nos souffrances vient de ce que nous ne savons pas nous réjouir de ce que nous sommes.
D’ailleurs notre société de consommation repose sur ce mécanisme pervers qui nous fait continuellement croire que nous pouvons être quelqu’un d’autre que celui que nous sommes, que nous pouvons posséder toujours autre chose, avoir toujours plus. Comme si notre bonheur dépendait de ce « toujours plus » alors qu’en réalité, il s’agit d’abord consentir à ce que nous sommes, de redécouvrir la joie d’être ce que Dieu nous donne d’être.
Se réjouir de ce qu’est l’autre, de ce qu’il fait de beau, de ce qu’il vit de grand. Se réjouir de ce que je suis, de ce que Dieu m’a donné. Retrouver la joie en laissant Dieu m’ouvrir les yeux. M’accueillir tel que je suis. Cesser de convoiter. Vivre enfin !
P. Pierre Alain LEJEUNE