jeudi 10 février 2011

L’enfance éprouvée

En fin de semaine dernière une rencontre avec de jeunes parents m’a profondément marqué. Ils sont jeunes mariés d’un an et demi ; ils souhaitaient un enfant et les premiers mois la grossesse désirée n’était pas au rendez-vous ; ils avaient commencé les premiers examens pour voir s’il y avait des causes à cette infertilité apparente. Ils abandonnaient l’espoir d’avoir un enfant naturellement et se préparaient à regarder du côté d’une maternité médicalement assistée. Dès la chute de tension voilà la jeune femme enceinte et du coup ils l’ont de suite appelé « bébé miracle » rejoignant ainsi la foi de nos pères dans la Bible pour qui le premier miracle c’est celui de la vie donnée. Les premiers mois de grossesse sont un vrai bonheur ! Premiers contrôles : là tout s’effondre car l’enfant semble donné des signes de malformations ; il faut faire des examens, attendre quinze jours sans résultats car la prise avait été mal faite, entendre l’équipe médicale prévoir le pire. La jeune femme s’enferme, le papa fait l‘expérience de la plus grande proximité et de sa faiblesse, le couple se resserre devant les difficiles questions qu’ils vont devoir affronter. Je les vois la veille des résultats du second examen pour dire ma proximité et parler maladroitement de la vie et de sa beauté et je m’aide de mon copain Guillaume trisomique au sourire et à l’affection qui nous rendent si humains. Dans leur désarroi ils avaient déjà nommé ce petit garçon en train de se former et j’admirai leur investissement et leur fol espoir. Comme je me sens gauche face à leur souffrance ! Le lendemain SMS pendant le conseil épiscopal (eh oui ! je le confesse, je lis mes mails et mes SMS pendant le conseil) plus de danger ! Quelle extraordinaire nouvelle que la joie de la vie ! Ces jeunes parents m’ont fait un cadeau inestimable en partageant leur espérance en leur capacité de donner la vie, et de vouloir la servir.
En début de semaine voici que sur mon radioréveil j’entends l’annonce du « bébé médicament » !
Quelle belle avancée que ces travaux sur le sang des cordons mais quelle incroyable idée d’instrumentaliser l’enfant ! Vous me direz la belle affaire ! Les parents font des enfants pour bien des raisons différentes. Mais faut-il renoncer à grandir en humanité, faut-il arrêter de vouloir chaque être humain pour lui-même et non pour ce qu’il peut rapporter ou ce à quoi il peut servir ? Qu’est-ce qu’il va falloir l’aimer pour lui-même ce bébé médicament !
Ce qui fait la joie de mon cœur quand je regarde Guillaume c’est qu’il est quelqu’un à part entière aux yeux de Dieu et j’ai l’impression de grandir chaque fois que je lui parle en dépassant en mon cœur son handicap si visible.
Ce qui fait la joie de ma vie c’est de me savoir aimé de Dieu pour moi-même et je travaille pour que chacun puisse l’éprouver pour lui-même et le signifier aux autres.

dimanche 6 février 2011

Partage ton pain avec celui qui a faim

                C’est le prophète Isaïe qui nous lance cet appel : « Partage ton pain avec celui qui a faim ». Et dans l’Evangile, Jésus dit à ses disciples - et donc à nous aussi - que c’est en voyant ce que nous faisons de bien que les hommes rendront gloire à Dieu. C’est une grande responsabilité qu’il nous confie !

                Nous avons l’habitude de bénir le repas avant de manger. Ce petit rituel est une belle manière de reconnaître que c’est de Dieu qui vient toute grâce. Certains de nos bénédicités sont très beaux, d’autres sont touchants ou encore ludiques et enfantins. Tout cela est très bon. Pourtant, je dois reconnaître que quelques uns d’entre eux présentent un gros défaut au regard de l’Evangile… Je pense à ces bénédicités dans lesquels nous demandons à Dieu de donner du pain à ceux qui n’en n’ont pas. Mais à bien y réfléchir, ce n’est pas à Dieu de donner du pain à ceux qui ont faim. C’est à nous de le faire ! Tout se passe un peu comme si nous cherchions à refiler à Dieu une mission qui nous incombe. Nous mélangeons souvent les rôles et nous en venons toujours rapidement à nous débarrasser des tâches qui nous paraissent trop compliquées. 

                Nous ne devrions pas prier Dieu pour qu’il donne du pain à ceux qui en manquent. Nous devrions plutôt le prier pour qu’il nous aide à assumer la mission qu’il nous confie. Pour qu’il nous aide à partager réellement. L’Eglise est réellement dans son rôle lorsqu’elle assume cette tâche.

                Lors de sa visite en Grande-Bretagne en septembre dernier, le pape Benoît XVI s’exprimait ainsi : « Le monde a été témoin des immenses ressources que les gouvernements peuvent mettre à disposition lorsqu’il s’agit de venir au secours d’institutions financières retenues comme ’trop importantes pour être vouées à l’échec’. Il ne peut être mis en doute que le développement humain intégral des peuples du monde n’est pas moins important : voilà bien une entreprise qui mérite l’attention du monde, et qui est véritablement ’trop importante pour être vouée à l’échec’. »

                Voilà une parole qui devrait nous redonner le sens des priorités ! Quelle est la tâche véritablement trop importante pour être vouée à l’échec ? J’ai rencontré cette semaine l’équipe diocésaine du Secours Catholique. Nous avons cherché des propositions concrètes à faire aux jeunes catholiques de Bordeaux afin de les inviter à s’engager sur des actions locales, notamment dans l’accueil et la distribution de repas à des personnes en situation de précarité. Vous entendrez parler très prochainement de ce nouveau partenariat entre les Aumôneries Etudiantes de Bordeaux et le Secours Catholique : si chacun de nous réalise un petit geste concret alors nous serons véritablement ce que Dieu attend de nous : le sel de la terre et la lumière du monde !

 P. Pierre Alain LEJEUNE

jeudi 3 février 2011

Peuple, pain et liberté


Peuple, pain et liberté
Ces trois mots ont envahi les ondes depuis plusieurs semaines. Tunisie, Egypte, Moyen-Orient dominent les informations. Des dirigeants en place depuis plus de 20, 30 ans s’enfuient ou sont totalement contestés. Des comportements dictatoriaux apparaissent au grand jour ; des pratiques mafieuses gangrènent les états. La plus grande partie de la population ne profite en rien des progrès économiques. Les peuples demandent du pain et de la liberté. L’usage du mot peuple envahi tous les commentaires et n’est pas s’en éveiller en moi des sentiments mêlés. De qui parlons-nous ? Qu’est-ce que le peuple dont on parle ici ? D’une foule à bout qui ne supporte plus avec juste raison l’oppression ? De la majorité des gens ? De la masse que l’on dit toujours silencieuse ? Le peuple c’est “démos” en grec et cela à donner démocratie. Dans tous ces pays les dirigeants sont élus par des méthodes coercitives.
Je me réjouis profondément de cette aspiration à une juste distribution des biens de notre terre, à cette soif d’expression et de liberté, mais finalement je me pose la question de la représentativité du peuple dans le système démocratique. Tous nos pays pas seulement ceux d’Afrique du Nord y sont acculés. Quel est le meilleur système de représentativité ? La campagne prochaine des élections aux conseils généraux fait apparaître plus clairement encore la course au pouvoir ; les programmes sont trop peu mis en avant ; mais y croient-t-on encore aux programmes ? Les promesses n’engagent que ceux qui y croient ! Les personnes s’accrochent à leur siège et règnent impunément depuis des décennies ayant établi des réseaux clientélistes efficaces. Chez nous aussi il y a une soif de justice et de parole vraie, chez nous aussi il y a urgence à être plus exigeant avec nos représentants ils ont tellement tendance à être plus dirigeants que représentants. Il ne s’agit pas de tomber dans la tentation d’un Saint Just et vouloir un mode de purs ; mais il s’agit de réinvestir la question du bien commun, la question du politique avec responsabilité et mettre à l’honneur ceux et celles qui en ce domaine vivent leur engagement en politique comme un véritable service.