samedi 26 décembre 2009
Tout cela est bien fragile : Dieu est sur la paille !
Tout cela est bien fragile : Dieu est sur la paille !
La planète est en feu et Dieu se retire dans un petit bourg de Judée. Les questions que les hommes ont a affronté dépassent l’entendement et les vagissements d’un bébé sont les premières contributions explicites de Dieu. Les nations s’assemblent de toute la terre, l’empereur recense son monde… mais Dieu est à l’écart de tout ce charivari même pas une sage femme pour aider l’accouchée, seulement quelques gardiens de troupeaux de brebis et de chèvres.
Devant la fragilité du monde, la fragilité de nos vies il est raisonnable de penser qu’il nous faudrait déployer beaucoup de moyens, une énorme puissance d’argent, d’imagination, de transformation. On se dit qu’il y faudra plusieurs générations pour changer les habitudes, pour trouver de nouveaux modèles de vie, pour éduquer à un autre rapport aux choses.
Depuis Abraham on n’en finit pas d’espérer. On imagine spontanément toute solution à nos difficultés, à nos problèmes, à nos questions sous forme de puissance. Il faut du plus à ceci, du plus à cela et c’est l’escalade des plus et des super puissances. Il serait temps que Dieu s’y mette et nous donne un coup de pouce. Il serait bon que lui aussi, le Tout puissant, il en rajoute à nos rêves.
La réponse de Dieu est dans la fragilité de l’enfant de la crèche. Dieu a horreur des généralités, des grandes déclarations tonitruantes, des mots passe-partout ; Dieu n’aime pas la langue de bois ; il préfère les histoires, il se mêle à notre histoire de façon précise. Il n’y a pas de solution globale. C’est ici et maintenant. C’est cet enfant et pas l’Enfance, c’est cette vie et non la Vitalité, c’est ce bout de terre et non l’Humanité. C’est toi, c’est moi, c’est lui, c’est chaque fois précis et déterminé. L’ambiance de Noël qui nous est distillée chaque année avant la fête nous met dans un bain d’abondance factice et de bons sentiments. C’est si vrai que le lendemain de la fête tout est épuisé comme si nos fêtes débouchaient sur le vide. Le déploiement de lumière laisse la nuit noire.
Jésus dans la crèche attire notre regard et il ne faut rien perdre des détails de la scène. C’est dans le détail de l’histoire que Dieu se donne à voir et à entendre. Oui ici tout est fragile comme dans nos vies. Tout est exposé aux dangers. Mais, avec Jésus, Dieu nous aime en acte. Les mots d’amour se font réalité. L’amour a un visage à aimer. Il en est toujours ainsi avec Jésus. Jusqu’au bout, sa fragilité nous donne à voir l’abandon de Dieu aux mains des hommes. Dieu prouve son amour en s’abandonnant à nous. Il a « la force des colombes ». C’est par ses blessures que passe la vie et la vie en abondance de présence.
En cette nuit de tendresse et de douceur, osons être vrais c'est-à-dire fragiles. Les cuirasses sont hors de mise. Les suffisances sont dans les palais. Les ordres et les repères sont dans les grands livres et les décrets. L’enfant Jésus nous requiert d’une toute autre façon. Il faut accepter d’être maladroit, sans parole, sensible au moindre mouvement de l’autre, exposé de jour et de nuit. Nos fragilités sont de tous ordres : santé, affection, blessures, aigreurs, limites en tous genres. Elles nous font souvent peur comme ses grandes peurs qui assaillent notre temps : la peur d’épidémies, de destruction de notre planète. Nos fragilités trop souvent les lieux de nos peurs sont, à Noël, les lieux de Dieu.
La vérité de notre rapport à nous même et avec les autres, c’est dans notre cœur que ça se passe d’abord ! Vous ne verrez cela que de l’intérieur. Vous ne pourrez cela qu’en recevant l‘enfant, cet enfant là d’abord.
Pour sauver le monde Dieu n’a pas trouvé mieux que de commencer réellement en cet enfant là. Avec qui allez-vous commencer ? Il en faut peu pour sauver le monde du dedans !
mercredi 23 décembre 2009
Dieu à voir !
La nuit et son manteau d'étoiles
recouvre les derniers pas
de ce couple en exode.
Un abri fragile, un peu de paille,
à l'écart des hommes, prés des bêtes
La marche obligée a trouvé son terme
pour la délivrance
En pleine incertitude
Joseph, l'homme à la foi songeuse, rassure
L'homme ne devient père
qu'au souffle de sa foi, fragile
Marie, la jeune fille au corps de mère
donne la vie au creux de l'impossible
Le premier mot de la Parole est un cri
à la vie dans ses vagissements
Sera-t-il étouffé ?
percera t-il la surdité des hommes ?
Il n'y a que le chant du ciel
aux oreilles des bergers
Ils viennent voir Dieu
dans la fragilité d'un nouveau-né
La puissance de l'amour
c'est blottie dans la main de l'enfant
La nuit est percée d'éternité ;
les coeurs de bonne volonté
Le chant vient du dedans
fragile comme la paix
L'enfant traverse tous les âges
par sa capacité d'avenir
Les mains des redoutables
ne pourront rien sur lui.
samedi 19 décembre 2009
La demeure de Dieu
L’autre jour, je rencontrais les élèves d’une classe de 6ème, dans un collège de notre quartier, pour leur expliquer ce que le temps de l’Avent signifie pour les chrétiens. Parmi toutes les questions qui m’ont été posées ce jour-là, il y en a une qui a retenu mon attention tout particulièrement. Griffonnée maladroitement sur un bout de papier, cette question avait quelque chose d’enfantin : « Dieu a-t-il une maison ? ». Quelle belle question !
J’ai essayé d’y répondre comme j’ai pu, avec toute ma foi. Ma foi qui m’amène à reconnaître l’amour sans mesure d’un Dieu qui « sort de chez lui » pour se faire homme au milieu des hommes. Ma foi qui me met sur les pas d’un Dieu Sans Domicile Fixe ; un Dieu qui entre chez ceux qui lui ouvrent leur porte. Un Dieu qui m’invite à le reconnaître en chacun de mes frères, à commencer par ceux que, spontanément, je considérais comme les moins dignes.
De tout temps, les hommes ont voulu assigner à Dieu un domicile : le soleil, les astres, la mer, telle montagne ou le temple de Jérusalem. Ce temple est détruit et Jésus, par sa mort, sa résurrection et le don de son Esprit nous désigne la nouvelle et l’unique demeure de Dieu : le cœur de l’homme.
Dieu a donc considéré que le cœur d’un homme est une demeure plus grande que l’immensité des astres ou la profondeur des galaxies. Dieu estime que le cœur d’un homme est, au fond, la seule maison qui soit à sa mesure ; c'est-à-dire sans mesure. « Ma maison, c’est toi ».
Aujourd’hui, l’Evangile nous invite à laisser résonner en nous la joie de Marie et d’Elisabeth, sa cousine, qui pressentent que quelque chose d’immense est en train de se produire. Dieu inaccessible se rend accessible ; Dieu intouchable vient se remettre entre nos mains ; le Très Haut se fait très bas. Il me semble juste, comme le fait le poète Jean Pierre LEMAIRE, de prêter à Marie enceinte cette parole émerveillée : « Dieu, si petit en moi ; hors de moi si grand ! »
« Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Heureux celui qui croit est laisse ainsi le Dieu Immense faire en lui sa demeure.
P. Pierre Alain LEJEUNE
jeudi 17 décembre 2009
Vivre Noël Autrement
Nous nous lamentons souvent - et nous avons raison - de voir la fête de Noël vidée de sa substance par l’air du temps et la pression consumériste. J’avoue moi-même me sentir franchement saturé devant cette débauche de moyens, de vitrines, de cahutes en bois et pour le dire franchement, devant cette vaste opération commerciale dont l’objectif premier est de nous faire consommer le plus possible. Mais que reste t-il de la simplicité de Noël, de cet enfant déposé sur la paille, de ce Dieu simple et nu qui devrait être la vraie source de notre joie ?
Nous avons raison, il me semble, de regretter cette amnésie et cette dérive qui semble nous confisquer notre fête. Mais nous ne pouvons quand même nous contenter de nous lamenter. Il est temps de nous réapproprier Noël ; de libérer Noël de cette prise d’otage dont il est victime afin de dire au monde la source de notre joie.
Pour cela, je vous invite à prêter attention à une initiative lancée il y a plusieurs années déjà par un collectif d’associations et de mouvements chrétiens nous invitant à vivre « Noël autrement » ; vivre Noël dans une plus grande sobriété ; en refusant d’être les jouets d’une grande foire commerciale ; en changeant nos comportements et nos mentalités ; en refusant de céder trop vite à notre réflexe de consommateurs : la fameuse « fièvre acheteuse ». Et si nous essayions de consommer moins pour vivre mieux.
Si nous voulons redonner son sens à la fête de la Nativité, c’est à nous d’abord, disciples de Jésus, qu’il appartient de résister à la pression sociale et de changer notre manière de vivre. Car l’annonce de Jésus-Christ passe aussi parfois par des choses aussi simples et concrètes. Ce serait une autre manière de vivre cette parole de l’Evangile : « Vous êtes dans le monde mais vous n’êtes pas du monde ». C’est aussi par notre capacité à rester « libres » des conditionnements sociaux que nous témoignerons de Celui qui est venu rendre à l’homme sa liberté.
P. Pierre Alain LEJEUNE