dimanche 24 janvier 2010

Pour l’unité du Corps du Christ



La semaine qui s’achève a été consacrée à la prière pour l’unité des chrétiens. Nous avons prié pour et avec nos frères et sœurs des Eglises orthodoxes et des Eglises issues de la Réforme. Pour les disciples du Christ que nous voulons être, l’effort œcuménique n’est pas optionnel ; il est absolument prioritaire. Car comment être crédibles en parlant d’un Dieu amour si nous demeurons séparés ?

 

Bien sûr, nous ne sommes pas responsables des divisions de nos pères ; nous ne sommes pas coupables des déchirements successifs qu’a connu l’Eglise. En revanche nous sommes responsables de l’unité à retrouver aujourd’hui ; nous n’avons pas le droit de considérer cette question comme secondaire. Les débats théologiques sur des questions complexes appartiennent aux théologiens ; la question difficile de l’intercommunion appartient au magistère. A nous, revient le devoir de la vie fraternelle et de la prière commune.

 

Notre premier effort pour l’unité doit être la prière (même s’il n’est pas le seul) ; car le premier effet de la prière (même si, là encore, ce n’est pas le seul) est de transformer celui qui prie. Peut-être avez-vous déjà fait ce constat : je ne regarde plus de la même manière ceux pour lesquels je prie régulièrement. Si je prie pour mes frères orthodoxes et protestants, je serai nécessairement amené à les considérer autrement.

 

En France, au sein des différentes confessions chrétiennes, ce sont les catholiques qui sont majoritaires. Or la tentation de la majorité est toujours de considérer la minorité comme trop insignifiante pour mériter de l’attention. Il est un principe inspiré de l’Evangile que nous devrions appliquer entre nous : nul n’est trop petit pour n’avoir rien à apporter aux autres ; nul n’est trop grand pour pouvoir se passer des autres.

C’est dans esprit, il me semble, que nous devons lire aujourd’hui ce qu’écrit St Paul aux corinthiens : « l’œil ne peut pas dire à la main je n’ai pas besoin de toi»

 

Les avancées œcuméniques ont été importantes ces dernières années mais nous sommes encore si loin les uns des autres. Nous avons encore tant de mal à nous reconnaître comme disciples du même Seigneur. Je me demande souvent ce que  pense Dieu de toutes nos chamailleries… Un jour, il nous sera donné de regarder tout cela avec beaucoup plus de hauteur ; avec le regard de Dieu. Pourquoi ne pas commencer dès aujourd’hui à prendre un peu hauteur, ensemble !

 

P. Pierre Alain LEJEUNE

 

 

 

jeudi 14 janvier 2010

Femme que me veux-tu ? 


On a toujours quelques difficultés de compréhension avec l’histoire de Cana. Marie la mère de Jésus semble être rabrouée par son propre fils : « Femme, que me veux-tu ? » Qui plus est, elle semble faire le contraire de ce que Jésus lui affirme : « Mon heure n’est pas encore venue ! » Nous entendons : « Ce n’est pas le moment ! » mais elle parle aux servants comme si Jésus avait annoncé qu’il allait faire quelque chose.
Dans cette histoire, nous entendons le contraire de ce qui se passe, nous entendons un refus et nous voyons une acceptation. Nous entendons une parole de remise à sa place et nous voyons quelqu’un qui donne des ordres : « Faites tout ce qu’il vous dira ».
Nous avons du mal à entendre la cohérence entre les paroles et les actes ; il y a un malentendu ! Comment bien entendre la cohérence fondamentale du premier signe par lequel Jésus commence à se manifester aux yeux de ses disciples pour faire naître en eux la foi ?
Nous sommes à des noces et cette réalité est indicative de ce que Dieu rêve comme relation avec l’humanité toute entière. « On ne t’appellera plus « la délaissée », on n’appellera plus ta contrée : « Terre déserte », mais on te nommera : « ma préférée », on nommera ta contrée : « Mon épouse ». « Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu ». Ainsi parle de prophète lorsqu’il décrit le désir de Dieu, désir d’un amoureux, désir d’un mari pour sa femme, désir de rencontre, de plénitude, de vérité, de don de soi et toutes les noces sont porteuses de cette promesse, de ce désir.
Marie est de la noce, Marie participe à la joie de ces familles qui voient leurs enfants devenir famille à leur tour pour la croissance de l’humanité. « Ils n’ont plus de vin », son regard a perçu la faille ! Le vin dans la Bible est le symbole de ce qui réjouit le cœur de l’homme. Marie nomme ce qui manque pour que la noce soit pleinement réussie.
Un mariage à l’eau, voilà le risque de Cana. Si Jésus n’intervient pas, ça tombe à l’eau. Et un amour qui tombe à l’eau nous savons tous les dégâts que cela fait.
Jésus aussi est de la noce, avec son Église naissante que sont les disciples. Il est de cette noce qui peut rater. Marie s’adresse à lui comme à celui qui peut amener la joie à son accomplissement, un accomplissement pour les mariés et leurs invités, un accomplissement pour tous. Et là où nous entendons une réponse vive, une espèce de remontrance, nous sommes invités à entendre une compréhension par le fond entre la mère et le fils. « Femme que me veux-tu ? » ne veut pas dire « Laisse moi tranquille » ou « de quoi te mêles-tu ? » mais bien plus : « Femme, Ève, la mère des vivants, celle qui engendre le nouveau peuple qui fera la joie de son Dieu, que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Avec ce mot de « femme », Marie est désignée ici par Jésus lui-même comme la nouvelle mère qui, sous l’action de l’Esprit Saint, participe à l’engendrement de l’Eglise et les servants de la noce ont travaillé avec elle.
Là où nous entendons : « Ce n’est pas le moment, mon heure n’est pas encore venue », nous sommes invités à entendre : « mon heure, c’est-à-dire l’heure où je serai cloué sur la croix empêché d’agir, les bras liés au bois pour donner ma vie, n’est pas encore venue, je peux donc agir, je peux donc entreprendre, je peux commencer à poser les signes de mon amour de l’humanité ». Et Marie comprend cela, et agit en conséquence, et le Christ s’exécute, et les 600 litres des 6 jarres de purification des juifs - qui par leur chiffre désigne l’imperfection et l’inefficacité de l’alliance ancienne - sont transformés en un vin si bon que même lorsqu’on est gris, on en apprécie la saveur.
Étonnante complicité de la mère et du fils pour la réussite des noces. Étrange malentendu de notre part, révélateur peut-être de tant et tant de nos malentendus qui nous empêchent de réussir nos noces jusqu’à leur accomplissement.
On entend autre chose que ce qui est dit et ce qui est montré, on entend mal, on s’entend mal, maladie que doivent traverser tous les amoureux de la terre et du ciel : « Je ne te comprends plus » et on se rabroue et « ce n’est pas le moment ».
Étrange histoire que notre incompréhension de Cana qui nous indique que pour bien entendre il faut donc se décentrer et avoir soin de la réussite de tous et pas que de soi ou de sa reconnaissance et de ses satisfactions. C’est la noce toute entière et pas seulement les mariés qu’il faut viser. Pour bien entendre, pour se retrouver il faut donc se comprendre à partir de ce que Dieu fait de nous pour les autres. Ce n’est pas : « qu’est-ce que tu m’apportes ou ne m’apportes plus », c’est davantage : « qui es-tu pour Dieu, qui es-tu dans le dessein de Dieu, en quoi ensemble pouvons-nous le servir ? »
Dépassement de nos sentiments passagers, de nos rêves d’adolescents, de nos chimères pour être là, accordés ensemble à ce que Dieu désire, à ce pour quoi il nous unit, ou il nous a unis, et qui nous tourne vers le bien et l’amour de toute l’humanité.
Le premier signe de Jésus est un signe pour la joie de tous, les vrais commencements et les vrais recommencements dans nos relations sont de laisser venir la joie de partager avec la famille, les amis, le plus grand nombre, la joie d’aimer…

samedi 2 janvier 2010

Quelle ouverture ?


Prenons le chemin des mages ! Ils venaient de très loin, et ils ont su trouver le Christ. Ils étaient païens et ils ont adoré l'enfant. Non seulement les bergers, c'est à dire des juifs, mais aussi des mages, c'est à dire des étrangers, se sont sentis concernés par Jésus. Tous les hommes sont associés "au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l'annonce de l'Evangile."
Tout d'abord ces hommes étaient des guetteurs. Ils suivent une étoile. Ce n'est pas n'importe quelle étoile, c'est "son" étoile, celle du roi des juifs. La tradition en Orient veut que, lorsqu'un grand personnage vient à naître, apparait dans le ciel une étoile, un astre nouveau pour le signaler à toute la création. Les mages cherchent quelqu'un. Ce qui les fait bouger c'est leur désir de s'ouvrir à une autre présence qu'eux-mêmes.
Mais ils n'ont pas fait que suivre l'étoile, ils sont passés par Jérusalem. Ils sont allés chercher les renseignements et les précisions indispensables pour arriver au but. Sans les scribes et les chefs des prêtres, sans Hérode, ils n'auraient pas connu Bethléem ! Quand on sait le sort qu'Hérode, les scribes et le chefs vont réserver à l'enfant de la crèche et que, finalement, ils le condamneront à mort, voilà qui est surprenant. Mais on voit ainsi clairement la différence entre deux types d'ouverture à l'autre.
D'un côté une attitude d'ouverture telle que l'on tombe à genoux devant l'enfant et sa mère. Autrement dit une tell disponibilité à l'autre que l'on découvre Dieu, que l'on est introduit dans le mystère de Dieu au cœur de cet enfant. Et c'est toute leur vie qui s'ouvre : "ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents." Une ouverture qui est don de soi. Les mages, représentant toutes les nations qui viennent à Jérusalem c'est à dire à Dieu, nous invitent à ce type d'ouverture faite de respect et de don de nous-mêmes à l'égard de chaque être. Le Christ concerne tous les hommes car chacun est appelé à être concerné par son frère en humanité. La route de l'homme mène à Dieu et la route de Dieu mène à l'homme.
L'autre attitude est celle de la fermeture mortelle. Hérode sait, les scribes et les chefs savent. Mais celui qui vient de naître est un concurrent à leur suffisance, à leur pouvoir, à leur certitude. Leur savoir est important puisqu'ils peuvent renseigner les mages, mais leur manière de savoir est dangereuse. Ils ont peur de perdre leur place, l'autre est un ennemi, l'autre est dangereux. L'autre a beau être un enfant démuni de tout, vulnérable, il représente quelqu'un à éliminer. Cette attitude est invitation à dénoncer en nous tout désir de mettre les autres de côté.
La véritable attitude qui respecte Dieu et qui le reconnaît est celle où je suis à genoux pour servir et pour m'offrir. Remettons au Christ tout ce que nous sommes, offrons nous à lui de tout notre cœur. Nous n'avons rien à craindre de cet enfant-Dieu.
Jean ROUET