jeudi 14 janvier 2010

Femme que me veux-tu ? 


On a toujours quelques difficultés de compréhension avec l’histoire de Cana. Marie la mère de Jésus semble être rabrouée par son propre fils : « Femme, que me veux-tu ? » Qui plus est, elle semble faire le contraire de ce que Jésus lui affirme : « Mon heure n’est pas encore venue ! » Nous entendons : « Ce n’est pas le moment ! » mais elle parle aux servants comme si Jésus avait annoncé qu’il allait faire quelque chose.
Dans cette histoire, nous entendons le contraire de ce qui se passe, nous entendons un refus et nous voyons une acceptation. Nous entendons une parole de remise à sa place et nous voyons quelqu’un qui donne des ordres : « Faites tout ce qu’il vous dira ».
Nous avons du mal à entendre la cohérence entre les paroles et les actes ; il y a un malentendu ! Comment bien entendre la cohérence fondamentale du premier signe par lequel Jésus commence à se manifester aux yeux de ses disciples pour faire naître en eux la foi ?
Nous sommes à des noces et cette réalité est indicative de ce que Dieu rêve comme relation avec l’humanité toute entière. « On ne t’appellera plus « la délaissée », on n’appellera plus ta contrée : « Terre déserte », mais on te nommera : « ma préférée », on nommera ta contrée : « Mon épouse ». « Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu ». Ainsi parle de prophète lorsqu’il décrit le désir de Dieu, désir d’un amoureux, désir d’un mari pour sa femme, désir de rencontre, de plénitude, de vérité, de don de soi et toutes les noces sont porteuses de cette promesse, de ce désir.
Marie est de la noce, Marie participe à la joie de ces familles qui voient leurs enfants devenir famille à leur tour pour la croissance de l’humanité. « Ils n’ont plus de vin », son regard a perçu la faille ! Le vin dans la Bible est le symbole de ce qui réjouit le cœur de l’homme. Marie nomme ce qui manque pour que la noce soit pleinement réussie.
Un mariage à l’eau, voilà le risque de Cana. Si Jésus n’intervient pas, ça tombe à l’eau. Et un amour qui tombe à l’eau nous savons tous les dégâts que cela fait.
Jésus aussi est de la noce, avec son Église naissante que sont les disciples. Il est de cette noce qui peut rater. Marie s’adresse à lui comme à celui qui peut amener la joie à son accomplissement, un accomplissement pour les mariés et leurs invités, un accomplissement pour tous. Et là où nous entendons une réponse vive, une espèce de remontrance, nous sommes invités à entendre une compréhension par le fond entre la mère et le fils. « Femme que me veux-tu ? » ne veut pas dire « Laisse moi tranquille » ou « de quoi te mêles-tu ? » mais bien plus : « Femme, Ève, la mère des vivants, celle qui engendre le nouveau peuple qui fera la joie de son Dieu, que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Avec ce mot de « femme », Marie est désignée ici par Jésus lui-même comme la nouvelle mère qui, sous l’action de l’Esprit Saint, participe à l’engendrement de l’Eglise et les servants de la noce ont travaillé avec elle.
Là où nous entendons : « Ce n’est pas le moment, mon heure n’est pas encore venue », nous sommes invités à entendre : « mon heure, c’est-à-dire l’heure où je serai cloué sur la croix empêché d’agir, les bras liés au bois pour donner ma vie, n’est pas encore venue, je peux donc agir, je peux donc entreprendre, je peux commencer à poser les signes de mon amour de l’humanité ». Et Marie comprend cela, et agit en conséquence, et le Christ s’exécute, et les 600 litres des 6 jarres de purification des juifs - qui par leur chiffre désigne l’imperfection et l’inefficacité de l’alliance ancienne - sont transformés en un vin si bon que même lorsqu’on est gris, on en apprécie la saveur.
Étonnante complicité de la mère et du fils pour la réussite des noces. Étrange malentendu de notre part, révélateur peut-être de tant et tant de nos malentendus qui nous empêchent de réussir nos noces jusqu’à leur accomplissement.
On entend autre chose que ce qui est dit et ce qui est montré, on entend mal, on s’entend mal, maladie que doivent traverser tous les amoureux de la terre et du ciel : « Je ne te comprends plus » et on se rabroue et « ce n’est pas le moment ».
Étrange histoire que notre incompréhension de Cana qui nous indique que pour bien entendre il faut donc se décentrer et avoir soin de la réussite de tous et pas que de soi ou de sa reconnaissance et de ses satisfactions. C’est la noce toute entière et pas seulement les mariés qu’il faut viser. Pour bien entendre, pour se retrouver il faut donc se comprendre à partir de ce que Dieu fait de nous pour les autres. Ce n’est pas : « qu’est-ce que tu m’apportes ou ne m’apportes plus », c’est davantage : « qui es-tu pour Dieu, qui es-tu dans le dessein de Dieu, en quoi ensemble pouvons-nous le servir ? »
Dépassement de nos sentiments passagers, de nos rêves d’adolescents, de nos chimères pour être là, accordés ensemble à ce que Dieu désire, à ce pour quoi il nous unit, ou il nous a unis, et qui nous tourne vers le bien et l’amour de toute l’humanité.
Le premier signe de Jésus est un signe pour la joie de tous, les vrais commencements et les vrais recommencements dans nos relations sont de laisser venir la joie de partager avec la famille, les amis, le plus grand nombre, la joie d’aimer…

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