Tous ceux qui ont été scouts ou guides ont connu ces instants magiques où l’on veille le feu tout au long de la nuit en attendant le matin. Cette veille est bien plus qu’une simple attente car elle est orientée : elle a un but. Il s’agit de traverser la nuit tournée vers le soleil levant.
Les lectures bibliques de ces dernières semaines ont évoqué les pires perspectives que l’ont puisse imaginer : catastrophes en tous genres, famines et persécutions, cataclysmes cosmiques. On pourrait s’étonner que chaque année liturgique s’achève ainsi avec des textes apocalyptiques. Et s’il s’agissait au fond, de nous aider à entrer dans les sentiments du veilleur ; celui qui, au cœur des peurs et des dangers de la nuit, attend le jour dans la confiance car il sait que, toujours, l’aurore se lève.
Evidemment, tout cela est très prévisible. Comme le soleil qui se lève toujours au moment prévu, Noël tombera cette année encore, le 25 décembre… Et n’attendre que des événements prévisibles a quelque chose de désespérant. Or Jésus aujourd’hui nous invite à nous préparer à l’imprévisible ; à ce qui pourrait nous surprendre, comme un voleur ! De même que l’aurore, toujours prévisible, peut devenir un véritable enchantement, n’y aurait-il pas, dans cet événement très prévisible du 25 décembre, une nouveauté inouïe à recueillir ? N’y a-t-il pas, dans le mystère de la nativité, ce que je n’ai pas encore découvert de Dieu ?
Nous préparer à l’imprévisible : c’est tout le sens du temps de l’avent qui commence aujourd’hui. Eveiller nos cœurs à ce que nous ne pouvons pas imaginer ; nous maintenir en éveil lorsque tout semble vouloir nous endormir. Peut-être même y a-t-il quelque chose de prophétique dans cette veille. Dans notre monde qui semble n’attendre rien d’autre que ce qu’il a lui-même produit et planifié, n’avons-nous pas, comme chrétiens, à tenir cette espérance qu’une nouveauté radicale peut advenir ? Que l’homme n’a pas encore tout découvert de la vie et du monde. Que le visible ne dit pas tout de la vérité. Que l’immédiat ne suffit pas à combler le cœur de l’homme. Que Dieu a encore beaucoup à nous dire.
Ne pas se laisser endormir par le ronron du quotidien. Refuser les somnifères de la publicité et du prêt-à-penser. Savoir s’étonner encore et toujours de la vie. Garder un cœur simple. Continuer de croire que le plus beau, le plus grand est encore à venir. Attendre Dieu qui vient. Même bousculé par les nuits de la vie, veiller dans la joie de celui qui sait que le jour se lève. Toujours. Comme un veilleur dans la nuit.
P. Pierre Alain LEJEUNE