Le récit de la « vocation d’Abraham » est, dans sa sobriété, un des passages clés de toute la Bible. Depuis des générations, il est lu et relu comme tel.
Dieu invite Abraham à partir, à quitter, à laisser. Sa famille, sa maison, son pays ; bref tout ce qu’il connait, tout ce qui fait sa sécurité. Personnellement, si j’étais Abraham, j’aurais envie de poser quelques questions préalables à Dieu : « Partir, je veux bien, mais pour aller où ? Ne pourrais-tu pas nous en dire un peu plus, nous donner quelques garanties. J’ai un peu peur de l’inconnu ». Seule réponse de Dieu : « Je te montrerai ». Ah bon… C’est court.
Oui, c’est court. Mais c’est précisément cette brièveté qui est lourde de sens. Ce récit nous dit, ce que « croire » veut dire dans la Bible. Ce que Dieu attend de nous. Nous, nous préférerions toujours connaître à l’avance l’itinéraire et la destination. Maîtriser les opérations. Mais Dieu sait bien, lui, que c’est précisément ce saut dans l’inconnu, cet élan de confiance qui fait grandir l’homme ! Il sait que c’est par cet élan de confiance l’homme devient réellement lui-même. Qu’il sort de sa coquille et de ses sécurités pour entrer, enfin, dans le grand horizon de la vie ! Pour vivre vraiment, il faut croire !
Ce dimanche matin, nous accueillons les couples de notre paroisse qui préparent leur mariage. Je suis convaincu que ce récit de l’appel d’Abraham a quelque chose à leur apprendre sur l’aventure qu’ils se préparent à vivre. Le fait de s’engager pour toute la vie avec celui ou celle que l’on aime, ressemble à s’y méprendre à l’acte de foi en Dieu. Ici comme là il s’agit de partir, de laisser, de quitter. Pour aller où ? Dieu seul le sait. Et encore… Ici comme là il s’agit de consentir à s’en remettre à un autre, sans savoir à l’avance, sans maîtriser le chemin. C’est alors que l’on commence à vivre vraiment et pleinement. A aimer vraiment. L’homme est fait pour cette confiance !Tant que je veux tout maîtriser, tant que je veux détenir les clés de la vérité et de ma vie, je ne vis pas vraiment et je n’aime pas tout à fait...
Quel beau programme pour un carême. Nous commençons souvent le carême avec un brin de fatalisme. « De toute façon, je sais comment ça va finir… je vais me réveiller à Pâques et je n’aurai rien fait ». Evidemment, si nous partons dans cet état d’esprit, cette triste prédiction risque fort de se réaliser. Je pense même que si nos carêmes se déroulent habituellement comme cela, c’est parce qu’au fond, nous le voulons bien. Parce que nous avons peur de l’inconnu et que nous préférons un carême raté ou médiocre plutôt qu’une aventure qui nous mènerait on ne sait où… Nous avons peur de croire que Dieu peut réellement faire du neuf dans notre vie.
Mais si pour une fois nous partions vraiment. Comme Abraham. Sans savoir. Sans connaître ce pays que Dieu veut nous montrer. Si pour une fois je consentais à quitter ma vieille vie, à laisser mes habitudes serviles et mes doutes sans lendemain. Pour aller où ? « Vers le pays que je te montrerai ».
P. Pierre Alain LEJEUNE
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