lundi 31 octobre 2011

Heureux ceux qui pleurent


En ces jours est ravivé le souvenir de ceux qui nous ont quittés. La souffrance, comme une plaie ouverte, revient en nos cœurs. Il faut l'audace du Christ pour se permettre de dire : "Heureux ceux qui pleurent ils seront consolés !" C’est comme s’il nous disait : " pleurez si vous en avez la force ; regardez autour de vous ceux qui pleurent ; interrogez vos profondeurs et ne réprimez pas votre envie de pleurer. Pleurer n'est pas une résignation. C'est un cri. Ce n'est pas une lâcheté, mais un appel au courage. C'est un acte de foi. Nous savons tous combien dans une douleur intense il est encore plus douloureux de ne pas pleurer que de pleurer, pleurer est une libération, c'est une réaction salutaire devant ce qui est trop pénible à supporter. Il vaut mieux ‘craquer’ que garder en soi. "



Regardons le Christ pleurer. Il pleure devant la ville de Jérusalem en voyant la misère matérielle et morale de cette cité qui le rejette. Jésus pleure devant la tombe de son ami Lazare. Il regarde la mort en face, il regarde un monde s'écrouler devant ses yeux. Il réagit par ce cri des larmes à tout ce qui bafoue l'amour et l'amitié. Il ne s'agit ici ni de sensiblerie ni de consolation à bon marché, il s'agit bien au contraire de s'insurger. Je pense en disant cela à tous ceux qui ont perdu un proche et notamment à ceux qui ont perdu un enfant. Il n'y a pas de peine plus cruelle que celle de la mort d'un enfant. Tout en nous s'insurge contre une telle "destinée" et à juste titre.



Avec la multitude de tous les saints est mis devant nos yeux le projet de Dieu : par son Fils Jésus, la mort n'est plus le dernier mot de l'homme, la mort est notre naissance en Dieu. Une telle foi n'est pas une résignation devant la fatalité. Il nous faut aller jusqu'au bout de nos pleurs et nous insurger devant nos irresponsabilités, il nous faut nous insurger devant le non sens de tant d'existences humaines sans travail et sans avenir, il nous faut nous insurger pour que l'on mette davantage de moyens financiers et humains dans la recherche contre les maladies que dans la courses aux armes les plus sophistiquées, il nous faut nous insurger devant les gaspillages de l'occident alors que les deux tiers de la planète sont dans la pénurie. Il nous faut nous insurger et non nous résigner. Voilà la vie que nous fêtons aujourd'hui, une vie qui aime en traversant les épreuves, une vie qui croit au bonheur au cœur même de l'épreuve.

Jean ROUET

"les pièges de l'autorité"


Qu'il s'agisse des parents, des autorités religieuses ou des autorités politiques, et bien d'autres les pièges sont les mêmes. Jésus les a tous rassemblés en faisant le portrait caricatural du pharisien.
Premier piège :"ils disent et ne font pas". Ce travers est si habituel que de nombreux commentaires juifs de la Bible insistaient sur l'importance de pratiquer ce qu'on enseignait. Jésus insiste :"Celui qui mettra en pratique les commandements et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux". "Il ne suffit pas de me dire Seigneur, Seigneur, pour entrer dans le royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux".
Deuxième piège : pratiquer l'autorité comme une domination. "Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt." L'avoir, le savoir, le pouvoir, peuvent être prétexte à domination ou à supériorité ; alors que cela peut aussi bien être vécu comme un simple moyen de servir les autres ; encore ne faudrait-il jamais oublier que tout ce que nous possédons nous est seulement confié comme une responsabilité à exercer au bénéfice de tous. Il y a pire encore, c'est d'asseoir son autorité sur un soi-disant "droit divin" : les religions n'y échappent pas toujours, les pouvoirs politiques non plus ; et c'est la source de combien de conflits sanglants.
Troisième piège : vouloir paraître : "Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges, des franges très longues". Qui n'est jamais tombé dans ce travers d'aimer paraître, d'attirer sur soi la considération et l'intérêt ?
Quatrième piège : se croire important, avoir le goût des honneurs : "Ils aiment les places d'honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi". Il faut être très humble pour porter sans ridicule les honneurs dus à son rang.
Après cette énumération, le texte se retourne : "Pour vous" dit Jésus ; c'est la clé de ce texte. Il nous invite à vivre comme lui. "Ne donnez à personne sur terre le nom de Père, car vous n'avez qu'un Père, celui qui est aux cieux". On peut, bien sûr, continuer à employer les titres de père et de maître, mais en leur donnant leur vrai sens et pas davantage ! "Abbé" venait de "Abba", "Père", "Pope", "Pape" sonnent comme "Papa" : au fond, c'est la même chose ! Ceux à qui nous donnons ces noms-là sont parmi nous le rappel vivant que nous n'avons qu'un seul et unique "Père" qui est dans les cieux. Jésus termine en disant : "Qui s'élèvera sera abaissé, qui s'abaissera sera élevé". Il y a là un des grands chemin de la vie : la force de l'humilité. Etre assez lucide pour se reconnaître à ras de terre, tout étonné de vivre du partage de nos frères et de la grâce de Dieu.
Jean RO

vendredi 14 octobre 2011

Dieu et l'argent


Une pièce de monnaie, comme un billet de banque est un programme, l'annonce d'une politique. Regardez une pièce de monnaie : elle porte sa valeur; mais une pièce est plus qu'un jeton, elle véhicule un message, et depuis quelques années, elle nous tourne vers le projet européen. L'argent est un symbole de lien social : il permet d'acheter un objet, de payer un travail. Il sert aussi bien à couvrir le nécessaire, qu'à s'assurer une domination ou un prestige. Il est rarement égalitaire et à propension à devenir une fin en soi ! Contrairement au dicton populaire, l'argent a une odeur ! Il sent la sueur et parfois le sang; il respire l'envie ou la miséricorde, il garde le goût de la guerre économique, de la dette internationale ou de la bonté du don. Jésus en regardant une pièce de monnaie invite à réfléchir sur la signification de l'argent et la responsabilité des hommes entre eux.
En demandant une pièce d'argent, Jésus désigne l'effigie qui dit le propriétaire, et cette pièce doit être rendue à son propriétaire. "Rendez à César ce qui est à César." Jésus ici ne fait pas une séparation absolue entre deux domaines qui ne devaient avoir aucun lien : le domaine spirituel (celui de Dieu) et le domaine matériel (celui de César), comme si, dans ce dernier, on pouvait agir sans s'interroger sur la portée de ses actes, sur la moralité de son comportement, comme si en ce domaine on pouvait faire ce que l'on voulait. Le domaine politique est bien reconnu par Jésus. Il y a bien à rendre aussi en ce domaine. Il est un des lieux majeurs de l'exercice concret de la charité. La loi morale doit s'y manifester de plein droit. Mais le politique doit rester à sa place : « rendez à Dieu ce qui est à Dieu, ne rendez pas à César ce qui appartient à Dieu ». Lui seul, Dieu, est le maître de l'histoire. Dieu seul est Dieu, il n'y a de sacré que Dieu et celui qui est son image : chaque être humain. Toute sacralisation du pouvoir et de l’argent conduit à la tyrannie et à l'idolâtrie. Nul n'a le droit de récupérer Dieu pour justifier sa politique. Tous ceux qui s'y essayent, tombent dans la totalitarisme, le plus abject, celui qui fait peu de cas de la personne humaine; mais mépriser la politique c'est prendre le chemin du mépris concret de nos frères.
Ne servez pas Dieu non plus comme on sert César ; il n’est pas un empereur plus fort que tous les autres il est le Dieu de l’Alliance qui m’invite à un partenariat à une filiation à un amour de réciprocité qui instaure entre lui et moi une vraie communion contagieuse de liens social et d’une terre habitable par tous.
Jean ROUET