mercredi 27 août 2008

Bon et fidèle serviteur entre dans la joie !


Evoquer la figure qu’a été parmi nous Mgr Maziers est un exercice qui, pour les prêtres de ma génération, fait parcourir les débuts de notre vocation et de nos premières années de ministère.

Le sentiment qui s’en dégage est une grande reconnaissance. Penser à Mgr Maziers, à ce qu’on lui doit met la paix dans le cœur et du goût pour la Mission.

Il y a ses traits de caractère bien connus, sa timidité apparente, son écoute profonde la bouche entrouverte, son adaptation très progressive au vin et à sa culture, et ses grands éclats de rire qui illuminaient ce visage grand ouvert.

Il y a des images fortes à la limite de la caricature, son implication à la demande du Cardinal Richaud dans les évènements de Dassault en 1967, sa responsabilité dans la rédaction et la parution des textes de l’Episcopat français, lui ont donné la réputation d’être un évêque rouge, ce qui le dispensa du "rouge cardinalice". On raconte que, lors d’une Visite ad Limina, le pape Paul VI lui fit quelques remarques sur les textes qui avaient paru. Le Père Maziers invita alors Paul VI à s’approcher de la mappemonde qui était dans la bibliothèque du pape, et il lui montra l’ensemble des pays du monde marqués à l’époque par l’idéologie communiste, et il dit au Saint Père que l’on ne pouvait se désintéresser de l’annonce de l’Evangile à tous ces peuples, à toutes ces cultures, et le pape aurait répondu : « Continuez ». Tel est me semble-t-il le souci essentiel qui habitait le cœur de Mgr Maziers : l’annonce du Christ.

Le verset évangélique « Allez vous aussi à ma vigne » sur lequel il s’appuya pour renouveler le travail missionnaire dans la partie rurale du diocèse reste encore pour les prêtres de ma génération l’appel à convoquer aux chantiers du Royaume.

Lors d’une rencontre à Mauriac, il y a deux ans, il m’interrogea longuement sur la vie du diocèse et il était manifeste que son cœur, sa prière, sa préoccupation étaient avec nous de manière très précise.

Ayant vécu le Concile Vatican II comme une grande espérance, il affronta les soubresauts qui traversaient, dans les années 70, l’Eglise et la société. Il resta extrêmement vigilant et attentif aux personnes, quelques soient leurs choix.

C’est bien, bon et fidèle Serviteur, entre dans la joie de ton maître.

mercredi 6 août 2008

Le cantique des cantiques

« Voici mon bien-aimé qui vient » chante le cantique. En écho le bien-aimé répond : « Viens ma toute belle ! » Le chant n'en finit pas de l'un à l'autre et s'enlacent les paroles comme les amants sous la lune dans le jardin. L'appel se prolonge jusque dans l'apocalypse de celui que Jésus aime : « Marana tha ! » - « Oui, je viens bientôt ! »
Entre le plus beau chant de Salomon et la Révélation de Jésus-Christ, il y a le jardin du tombeau où Marie est retournée sur elle-même pour une nouvelle vision.
Dieu aime ainsi comme un amoureux fou de sa toute belle. Mais qui donc est-elle cette belle ? L'humanité, l'Eglise, mon âme ? Que voit donc Dieu lorsqu'il parle ainsi ?
Mon regard est resté longtemps en arrêt. Que vois-je de moi, de l'Eglise, de l'humanité ? Mes yeux sont encombrés de mes difficultés. « J'ai peiné tout le jour sans rien prendre » dit l'apôtre « Nous n'avons pu le guérir » disent les autres. « Éloigne de toi de moi je ne suis qu'un pauvre pécheur ! » Et il y a le caractériel, le sot, l'infatué de lui-même, l'ambitieux, l'arriviste, le possessif, l'obsédé, le tyrannique, le superficiel, le fainéant, le méprisant, le colérique, l'impatient. J'en passe et des meilleures de moi et de tous les autres. Car tout ceci se conjugue au singulier et au pluriel, au masculin et au féminin, en blanc et en couleur, au nord et au midi, du plus particulier au plus institutionnel... Où est-elle sa toute belle ?
Ne me dites pas que j'exagère ; n'avez vous jamais plongé dans l'univers des êtres humains, essayé de bâtir le moindre projet dans un minimum de durée, vécu une amitié sans trouver quelque chose de cela en votre propre coeur ? Vous êtes bien innocent ! Il vous faut sortir de votre innocence sinon vous mourrez aveugles de naissance.
Qu'il veuille nous sauver, me sauver, c'est entendu, c'est nécessaire, c'est absolument indispensable ! « C'est une cause entendue! » dirait Péguy, les faits sont là. Mais trouver de la beauté comme un a priori ! Comment fait-il ?
« Je crois en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. » Dimanche après dimanche, le peuple de Dieu pose cette affirmation comme un constat et non seulement comme une espérance ou un doux rêve venu de Galilée. C'est toujours proclamé comme une réalité constitutive et déjà là. Ça fait symbole, ça nous met ensemble dés maintenant. Une confiance est posée qui n'en finit pas d'avoir à traverser les siècles et leurs histoires, les hommes et leur opacité. Où est-elle sa toute belle ? Bien sûr il y a quelques pépites de sainteté... Mais je connais trop les bonnes réponses ! Il y a du désenchantement dans l'air !
Mais, mon âme, est-elle pour lui « sa toute belle » ? Vais-je de chute en chute ou de relèvement en relèvement ? Sur le chemin il a chuté le Bien-aimé comme pour me relever ; et le salut me vient comme un grand sauvetage.
J'ai eu un moment de doute sur cette volonté de salut : « il faut encore qu'il fasse tout »; il me veut pour lui, y a rien à faire ! Serait-il cet énorme égoïste divin qui fait tout pour sa gloire ? Je l'imagine comme moi : intéressé !
Il revient ce doute sur la bonté de Dieu comme un des fondamentaux de toutes les cassures. Douter de la bonté voilà le mal originel qui me tient à distance ne voyant que ce que je projette déjà : la malignité. Il n'y a que bonté rien d'autre et cela m'est toujours inconnu. Je ne Le crois pas, je Le crois extérieur regardant par le trou de la serrure et guettant le faux pas pour venir à mon secours et se rendre indispensable, insupportablement indispensable ! Je crois l'amour comme je le vis spontanément : une prise de l'autre. Pour lui c'est comme un effacement, un anéantissement. « Il s'est abaissé ! » Il ne retient rien de lui ni de moi ; il est don absolu, rien d'autre, « nada ». Mes sens ont peine à suivre et pourtant tout mon être aspire à un tel salut, à une telle visite, à une telle réciprocité, à un tel anéantissement, à une telle radicalité. « Avez-vous vu celui que mon coeur aime ? » murmure l'âme en ses profondeurs joyeuses.
J'étais dans une impasse celle de Narcisse si fréquentée dans la vie spirituelle : la recherche de soi au prétexte de Dieu. Ici le miroir fonctionne et on cherche les fautes ou les quelques beautés préservées et fardées que l'on pourrait offrir ; l'âme se fait belle, croit-elle, ou pire coupable : c'est mortel ! Elle se regarde et finit par s'épuiser. C'est dans Son regard que l'âme est belle et non à mes propres yeux ! C'est Lui qui voit la beauté et qui la décrit. L'âme est belle de se voir ainsi aimée sans autre finalité que la gloire de l'amour qui est l'amour et rien d'autre: « IL a donné le Fils » le Bien-aimé. On existe dans ce regard, c'est comme une sortie de soi. Les amants, alors, non d'autre lieu que le jardin où le Bien-aimé apparaît dans la gloire de l'amour plus fort que la mort alors qu'on les croyait de même force. « Voir toutes choses en Lui » c'est bien le chemin : « C'est ta face Seigneur que je cherche, ne le cache pas ta face. »
L'enfant et la femme ouvre les chemins de la beauté première jamais disparue, jamais perdue, toujours dans le regard du Père. Il faut donc regarder à sa manière du côté des tout-petits et du consentement à être : « Qu'il me soit fait selon ta parole. » Il n'y aura pas d'autres signes que ceux là. Il faudra aller par delà l'écorce mais c'est une perle trouvée dans un champ, dans chaque champ de l'homme. Ce sont deux pains et cinq poissons, trois fois rien, mais c'est déjà quelque chose, dit le maître des mots. Un rien mais en perspective de la multitude, simplement offert au Bien-aimé.
Chaque fois c'est un peu mais c'est sans condition. Telle est la radicalité du Bien-aimé : tout sans condition. Mais ça ne peut être qu'un peu. C'est comme la pelote de laine, pour la défaire, il faut tirer un bout et non tout à la fois. Ainsi ma vie, un bout à la fois, un peu, comme ça vient, les jours de grand soleil ou les jours d'orage : livré au face à face absolument. Y aura-t-il l'heure favorable ?
Le coucher et l'éveil sont des moments références pour les amoureux. la nuit et sa couche, le réveil et son rituel. La main par le loquet qui fait frémir le ventre. La nuit comme dessaisissement total où enfin le Bien-aimé chuchote à l'oreille de l'endormie les mots de la tendresse. « Même le nuit mon coeur m'avertit! » Laissez la nuit à Dieu et à son conseil :« Dieu comble son Bien-aimé quand il dort. »

lundi 4 août 2008

Les doigts de pieds en éventail ? !



« Mon Père travaille sans cesse » dit Jésus, il n’arrête pas de nous aimer et pourtant, au septième jour de création, il prit le temps de goûter que « tout ce qu’il avait fait était très bon ! » et cela une journée entière. Comme le commente le livre de l’Exode 31, 17 : « En six jours, le Seigneur a fait le ciel et la terre mais le septième jour, il a chômé et repris son souffle.» Le jour du repos dans la Bible, le sabbat, est devenu ainsi le signe de l’alliance entre Dieu et son peuple : ce que Dieu a fait, le peuple le fait en mémoire de lui.
Il y a dans ces textes fondamentaux au moins quatre indications précieuses :
Le repos est lié à l’acceptation de la limite : Dieu s’arrête. « Arrête-toi, tu vas t’épuiser ! » Il y a un début et une fin à toute chose.
Le repos c’est se poser pour profiter du travail accompli. On déguste, on se rassasie.
Le repos c’est reprendre souffle. Le rythme de notre respiration est un signe de bonne ou de mauvaise santé. Avec une bonne respiration, on s’oxygène la vie ! On reprend des forces pour aller de l’avant.
Le repos a à voir avec Dieu. D’abord parce que Dieu n’est pas fatiguant et ensuite il n’y a pas plus reposant et détendant qu’être tranquille et paisible avec Celui qui nous aime. Nous éprouvons nos bonnes relations comme des lieux qui nous redonnent du tonus. « C’est reposant d’être avec toi ! » Ainsi en est-il de la proposition d’Alliance de Dieu avec nous.

Il y a des temps, ou des moments de notre vie où nous avons du mal à nous détende.
La surcharge de travail
Elle est liée souvent à la grande exigence de nos lieux de travail et à la course vers toujours plus de rapidité et d’efficacité. Les lois sociales, le dialogue social sont là pour trouver des solutions justes.
Mais quelquefois, c’est nous-même qui nous en mettons trop sur le dos. Nous avons du mal à nous arrêter, à mettre des limites et nous laissons la fatigue nous submerger, sans nous en rendre compte, à moins qu’un des symptômes les plus visibles soit notre irritabilité dans nos relations avec les autres. Mais le travail est un bon prétexte pour obturer en nous tous les passages par lesquels nos peurs et nos angoisses pourraient s’engouffrer. La générosité peut être ici un très grand piège. Il nous faut sûrement écouter nos amis lorsqu’ils nous disent : « tu en fais trop ! »
Il y a des jours où nous arrivons à abattre un travail très grand, nous sommes peut-être fatigué mais c’est une bonne fatigue qu’une bonne nuit de repos va réparer, c’est que nous n’étions pas encombré de nous-mêmes.
Le temps de la retraite peut être aussi un temps de surcharge. On en fait trop entre les sanctuaires et les oratoires, on court comme si Dieu m’attendait toujours ailleurs que là où je suis. « Dieu était là et je ne le savais pas… »

L’excitation
Elle peut prendre bien des formes : nourriture, boissons, ingrédients de toutes sortes, bruits, musique à ne plus s’entendre, le marathon devant la télévision, Internet, j’en passe et des meilleures… Ce sont bien sûr des leurres. Au début, cela peut être fort excitant et nous procurer plaisir et joie mais, au fur et à mesure, on voit ses forces diminuer et cette forme de détente, au lieu de nous permettre de reprendre souffle, de retrouver de l’énergie, cette forme là nous vide : « je suis vidé ».
Mais il y a des fêtes, des danses, des joies partagées, de la cuisine, de bons films ou d’excellents documentaires qui nous font respirer plus large, plus profond, qui nous donnent de goûter à la richesse et à la diversité de la vie. Il y a des fêtes, des moments de détente, où l’on a envie de dire « merci » en sortant et d’autres dont on sort en disant « je suis crevé, je vais dormir pour récupérer, demain je travaille ! »
Dans la v ie spirituelle on peut ainsi chercher aussi de l’extraordinaire, des émotions fortes, du miraculeux et on passe à côté des simples signes de foi, d’espérance et d’amour qui nous sont offerts.

Les préoccupations et les soucis de la vie.
A certains jours, on se sent comme écrasé. Il y a en nous une tension formidable, on est prêt à exploser, on a l’impression d’avoir tout faux, celui sur lequel on comptait n’était pas au rendez-vous, cette tache s’est révélée beaucoup plus complexe que prévu, je me suis fait engueuler par quelqu’un, la photocopieuse était en panne, et en plus la voisine est venue me raconter ses malheurs, comme si je n’avais que ça à faire. Je suis au bord de la crise de nerf ou de l’abattement complet selon mon tempérament. Et je ne vous parle pas de la peur du regard des autres, du jugement, du rejet ou de l’acceptation que je guette fiévreusement. Pour échapper à de telles périodes, je peux chercher l’isolement le plus complet, je ne veux plus voir personne et je me replie sur moi-même au lieu de me déplier. A d’autres moments, c’est plutôt l’étourdissement, l’oubli des soucis, le rejet des préoccupations. J’étais déjà noyé, me voici coulant à pic. Je ressors rarement frais et dispos de telles périodes, bien au contraire, je rajoute des handicaps à mes relatons amicales et professionnelles. J’ai tout pris sur moi comme si tout dépendait de moi. J’ai voulu tout régenter, tout contrôler et ça part de tous les côtés. J’ai un mal fou à laisser faire, à me reposer sur d’autres, à faire appel à des collaborations, à faire confiance à d’autres manières de faire et je suis débordé par les soucis. Au lieu de faire alliance, je m’isole dans ma tour d’ivoire et je suis le plus malheureux des hommes.Dans la vie spirituelle je peux laisser les soucis de moi-même et de mon progrès me dévorer, me mettant à la place de Dieu. Lui seul est le maître intérieur, lui seul donne le souffle de vie au jour de création et de re-création.


Il est donc nécessaire d’avoir de vrais temps de détente.
Qu’est-ce à dire ?
Prendre le temps de goûter ce qui vient : un paysage, une danse, un bouquin, des images. Prendre le temps, c’est ralentir, se poser, faire une pause, tranquillement. Je n’ai que ça à faire : apprécier. Etre pleinement là ! Non pas être sage, mais être totalement présent à ce qui m’est offert.
Prendre le temps pour ce qui est beau : les roses du jardin, une œuvre d’art, ma musique préférée, pas une beauté qui me séduit et me captive, mais une beauté qui me fait du bien.
Donner du temps à mon corps en cherchant le bon rythme : la marche, le sport, la danse. Je respire !
Donner du temps à l’autre pour la visite et pour se laisser visiter : le bonheur d’un bon repas entre amis, où l’on se fait des amis.
Etre créatif : modeler de la terre, écrire, peindre, sculpter, dessiner, inventer des fêtes, jouer avec les enfants, donner de mes nouvelles.
Mettre des limites, c’est se donner le moyen le plus réaliste d’éviter la fuite en avant, et de passer à côté de la vie et de ses richesses seuls chemins vers Dieu.
Profiter du moment présent, c’est déplier son âme, son corps, son être à partir de ce qui m’est donné.
Reprendre souffle, trouver un bon rythme, ce n’est pas seulement avoir une hygiène de vie, c’est se donner les moyens d’être bien dans ses baskets.
Plus je suis à présent à moi-même et aux choses de la vie pendant les temps de détente, simplement, humblement, avec douceur et intérêt, plus je serai présent à Dieu, avec tout moi-même, pendant les temps de prière, Le Seigneur se conjugue toujours au présent : « Je suis », l’éternel présent.