jeudi 9 avril 2009

Il passe, "en sachant", de ce monde à son Père !


C'est l'heure ! Jésus  le sait. Tout lui est remis ! Il le sait.  Il vient et il va au Père ! Il le sait.

Le savoir de Jésus est une prise de conscience de la plénitude du moment présent. Savoir pour Jésus c'est passer au Père !

Il sait. Il n'y a plus pour lui aucun doute : le procès est déjà terminé avant d'avoir commencé ; la sentence est rendue dans les cœurs et les esprits de tous , il ne reste plus qu'à voir comment elle va pouvoir être exécutée. C'est l'heure du passage. Il faut y aller ! C'est maintenant ! Les blés sont mûrs pour la moisson ! Tout est en place ; tous les acteurs sont prêts : les disciples avec leurs illusions sur eux-mêmes et leurs ambitions pour eux-mêmes, les chefs des prêtres et les scribes avec leur soif de récupérer l'influence perdue, les romains soucieux de leur pouvoir, se lavant les mains de tout ce qui se passe, le démon au cœur de l'ami qui va le livrer. C’est le moment, c’est l’heure ! C’est l’heure du Père et c’est l’heure du monde ! C'est l'heure du Père comme si l'heure du Père était l'envers de l'heure du monde ! L'heure du monde c’est la manifestation de la lâcheté des compagnons, des intimes ; l'heure du Père c’est le Fils qui se met à genoux pour servir ceux-là mêmes qui le trahissent en courant.

C'est l'heure du monde puisqu'il n'y a plus qu'un corps livré, qu'un sang versé, qu'un être réduit à la figure de l'esclave, qu'un agneau que l'on mène à l'abattoir, qu'un être défiguré par la haine ordinaire ; c'est l'heure du Père puisqu'il aime jusqu'au bout, jusqu'à l'extrême, jusqu'à toute extrémité. C'est l'heure où le maître et Seigneur lave les pieds des serviteurs, c'est l'heure où le Père quand il agit dans le monde est l'esclave de tous.

Passer du monde au Père pour Jésus c'est savoir ces enjeux, c'est analyser la situation avec toutes ses composantes personnelles et collectives, c'est être conscient de tout ce que le Père lui a donné, lui a remis, lui a confié. Passer du monde au Père pour Jésus c'est se mettre au plus bas du monde, au plus bas de l'échelle. Passer du monde au Père pour Jésus c'est savoir d'où il vient et où il va, pleinement à lui-même et au moment présent et, par le fait même, pleinement au Père et au monde qu'il sauve ! Réellement présent ! Présence réelle telle est l'heure de Jésus, telle est l'heure de son passage au Père, telle est l'eucharistie : présence réelle en notre temps de l'Amour de Jésus !

Chaque eucharistie nous offre cette heure du passage ; chaque eucharistie nous invite à prendre la mesure de notre temps, de chacun de nos instants. A chaque instant, c'est l'heure de passer au Père si j'accueille la réalité toute entière sans faux-fuyant, sans esquive, sans excuse. A chaque instant, c'est l'heure d'éprouver la paternité de Dieu en me recevant créé par lui et pour lui, une de ses créatures, un parmi les autres, appelé à lui appartenir. A chaque instant, c'est l'heure de mettre en œuvre tous les dons, toutes les capacités, toutes les qualités reçus du Père en servant le vrai bien de chacun de mes frères et de mes sœurs. A chaque instant réellement présent, telle est la vie que l'eucharistie veut nourrir en moi depuis la première Cène. C’est le contraire de la distraction, du dilettantisme, de la superficialité, du survol, de la légèreté. C’est l’instant où j’accorde du poids à celui qui est là, à ce qui se passe, tout entier à l’instant présent  puisque mon éternité  se joue en ce moment !

Au soir où nous rappelons cette heure de Jésus, ce passage de Jésus, recueillons en nos mains, en nos cœurs, en nos esprits ce que nous sommes, les lieux où nous vivons, les personnes avec qui nous œuvrons ; réalisons nos solidarités avec tous les souffrants du monde, tous les lâches du monde, tous les ambitieux du monde ; apportons tous les peuples dans la guerre et l'exil, tous les efforts de paix. Sachant tout cela, sachant ainsi tout ce que le pain et le vin de cette eucharistie portent, contiennent, signifient, entrons dans le désir du Christ d'aimer, d'aimer jusqu'au bout, d'aimer travailler au salut de toute l'humanité. Entrons dans la mémoire de Lui, nous proclamons sa mort jusqu'à ce qu'il vienne, nous célébrons son passage vers le Père jusqu'à ce que toute l'humanité achève en Lui ce passage ! Alors de nos cœurs, de nos esprits, dans notre bouche pourra jaillir la prière qui nous fait passer de ce monde à son Père : "Abba, Père".

Oui, maintenant pour chacun et chacune d'entre nous c'est l'heure du passage au Père en notre cœur, en notre esprit, en notre corps !

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