D’abord l’enfant et son rire : ici la joie est comme une irruption de l’exubérance de la vie. Et il y a des rires d’enfants si cristallins ! Bien sûr les enfants n’ont pas que des qualités ...
La joie que nous donnent les enfants à un goût tout à fait particulier. Je pense à ce père de famille à qui je demandais ce que cela lui faisait d’être papa et qui me répondais devant sa femme médusée : « je ne croyais pas que je pouvais autant aimer ! » Je pense à une de mes filleules de cinq ans et demi que je quittais après trois jours de détente passés ensemble chez ses parents à qui je demandais « tu voudras que je revienne ? » comme pour me rassurer que le courant était passé et qui me répondait « non » et après un court instant continuer en disant : « je ne veux pas que tu partes ! » La joie qui fait craquer, qui nous attendrit, qui met de la tendresse dans la dureté de nos cœurs.
Dans la rencontre des hommes et des femmes qui se préparent au mariage on est mis devant la joie profonde d’êtres qui se découvrent en découvrant le don que l’autre leur fait de sa propre vie. C’est la première fécondité du couple celle où l’un et l’autre éprouvent qu’ils sont davantage eux-mêmes, davantage vivants : « voici l’os de mes os, la chair de ma chair ! » semblables et différents proches et complémentaires. Sans toi je ne suis pas moi ! Telle est la joie des amoureux.
Toutes ses joies sont appelées à passer au creuset de la frustration, du manque, de cette expérience qui ouvre en nous un vrai espace de liberté lorsque nous percevons que l’autre est autre, qu’il n’est pas en fonction de moi mais pour un autre. Les parents et toux ceux qui ont la grâce de travailler dans une œuvre éducative, de quel ordre qu’elle soit, apprennent que la joie la plus profonde n’est pas dans le constat qu’on a réussi à donner une bonne éducation, la foi et le reste mais que celui qui a fait notre joie parce qu’il venait de nous, a capacité, à son tour, de faire venir de lui de manière originale : il est un vivant qui rend vivant à son tour et cela ne dépend plus de nous !
Dieu crée en séparant et tout éducateur est appelé à vivre cette séparation pour éprouver la joie de voir l’autre être lui-même à son tour et vivre sa vie ! Il faut laisser partir, il faut quitter, il faut vivre l’absence et une certaine forme d’oubli. On apprend ainsi à aimer plus qu’à être aimé. C’est le P. de Caussade qui écrit : « on l’aimait un peu pour ses dons, ses dons n’étant plus aperçus, on en vient enfin à ne l’aimer que pour lui-même. »
Cette expérience humaine le Christ la mène à sa perfection. En Marie exultante au jour de la visitation, transpercée lorsque dés le départ elle sait que son enfant est donné pour le salut de toutes les nations, la joie traverse la surprise de Cana où elle est exaucée en premier, l’errance dans les bourgs et les villages où il semble avoir perdu la tête. En Marie Jésus révèle ce qui, à l’origine, lui a donné de consentir : sa foi en sa parole et son bonheur est d’être « celle qui a cru ». A la passion, elle doit lâcher ce corps reçu une seconde fois pour qu’il lui soit enfin rendu tout entier de la part de Dieu et c’est elle qui commence à naître en lui comme la mère de tous les autres. Au matin de la résurrection l’annonce la rejoint en premier puisque tout son consentement était à Dieu dés le commencement et elle trouve son Seigneur magnifique à jamais. Elle était sauvée par anticipation et elle voit par avance le chemin de résurrection pour Abraham et sa race à jamais. En elle, la joie est parfaite comme il l’avait promis et l’Eglise pressent qu’elle en sera. Elle n’a pas besoin du même type d’apparition que les apôtres à cause de cette avance que Dieu lui avait donnée, elle reste ce jour-là encore la Vierge de l’Annonciation. Elle est déjà dans le temps de l’absence, dans le temps de l’attente, dans le temps du grand désir : « Marana tha, Viens notre Seigneur » (Apo 22, 20) et comme elle est dans les savoirs du Père, elle entend pour elle et pour l’Eglise : « Oui je viens bientôt » (Apo 22, 21). La joie de Marie est toute décentrée, plus rien n’existe que celui que Dieu a ressuscité d’entre les morts pour être le premier d’une multitude de frères. Il est devenu « l’étoile brillante du matin » (Apo 22, 16) et il chante : « Je suis l’alpha et l’oméga le commencement et la fin» (Apo 22, 13). C’est en Lui désormais qu’elle se tient, c’est de lui qu’elle est joyeuse, elle est toute à la joie de sa joie.
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