lundi 31 mai 2010

Dieu est libre !

Dans le ministère qui m’est confié au service des jeunes, il m’est parfois (souvent !) donné de vivre des moments de grâce. Ce que nous avons vécu vendredi dernier restera pour moi parmi les trésors de cette année. 

Ce soir-là, au milieu d’une bonne centaine de lycéens de Bordeaux, 4 jeunes de 17 ans ont reçu le baptême. Entraînés par les chants et les paroles du rituel qui parlent d’elles-mêmes, nous avons vécu une célébration d’une grande beauté et d’une profonde vérité, invitant chacun à redécouvrir le sens de son baptême.

 Je voudrais vous partager mon émerveillement devant ce que Dieu réalise dans la vie de certains jeunes. Ces quatre lycéens sont de familles non pratiquantes et pour certains non croyantes. D’ailleurs l’un d’entre eux a été baptisé en l’absence de ses parents qui « ne pouvaient pas être là ». C’est dire la détermination de certains jeunes qui font eux-mêmes leur route ! C’est à n’y rien comprendre ! Alors que certains parents rêveraient de voir leur enfant les suivre à la messe, voici d’autres jeunes qui rencontrent Jésus Christ et « s’entêtent » jusqu’à demander le baptême alors que leurs parents ont tout fait pour que cela n’arrive pas…

 Je me souviens également de Mathilde qui avait choisi, à 15 ans, de préparer sa première communion pendant un camp d’aumônerie sur le chemin de Compostelle. Elle avait communié pour la première fois dans la cathédrale de Santiago. Au retour à Bordeaux, sur le quai de la gare, sa mère lui faisait remarquer avec un brin de reproche dans la voix : « Alors, tu as fait ta première communion sans ta famille ». Et Mathilde de répondre du tac au tac en montrant le groupe des autres pèlerins : « Mais si, ma famille était là ! »… Quand les enfants donnent des leçons à leurs parents…

 Cela en dit long sur la liberté de Dieu qui appelle parfois des jeunes lorsque rien, ni le terreau familial, ni le milieu éducatif ne le laissait penser. Nous fêtons ce dimanche la Sainte Trinité ; Dieu est plus grand que tout ce que nous pouvons imaginer ; plus grand même que le singulier et le pluriel. Ce Dieu mystère de communion nous surprend  et Il fait irruption là où on ne l’attendait pas. Car Il est libre de nos raisonnements, libre de nos prévisions. La découverte de ce Dieu libre nous libère ; Il nous délivre de toute angoisse de l’avenir et de toute peur de l’échec puisqu’Il peut faire surgir l’inattendu à tout moment.

P. Pierre Alain LEJEUNE

 

mardi 25 mai 2010

L'esprit Saint : le défenseur de l'homme !


Célébrer la Pentecôte c'est fêter le don de l'Esprit Saint ; c'est s'apprêter à recevoir encore aujourd'hui ce même don. Et célébrer l'Esprit Saint c'est célébrer la présence de Dieu au plus intime de nous. L'Esprit c'est Dieu en nous.
D’après les actes des apôtres cet événement déclenche du feu, des paroles, des mouvements de foule, un enthousiasme et j'aurai le désir de voir se réaliser pour nous une nouvelle Pentecôte ; je voudrai pouvoir chanter l'écroulement des murailles qui nous séparent, je voudrais pouvoir rejoindre chacun et chacune dans sa langue, dans son particularisme, je voudrais pouvoir annoncer la naissance d'une vraie communauté. Mais mon désir se heurte à la réalité. L'heure n'est pas des Pentecôtes triomphales. La nôtre est discrète mais cependant bien réelle. Regardons.
Le noyau essentiel de la Pentecôte c'est la communion avec le Christ et les uns avec les autres qu’opèrent le Saint Esprit. Que peut signifier pour nous recevoir l'Esprit de la Pentecôte ? Je voudrais souligner trois aspects.
L'Esprit-Saint est celui qui fait reconnaître Jésus comme le Seigneur. Paul l'affirme : "Sans le Saint Esprit, personne n'est capable de dire :'Jésus est le Seigneur'". Dés le commencement les chrétiens ont cristallisé leur foi dans des phrases très simples ; l'Esprit éclairant leur intelligence a produit ces diamants uniques que nous appelons "confessions de foi" : Jésus est Seigneur, Jésus est Fils de Dieu, il est le Seul Nom par lequel nous puissions être totalement sauvés.
Il me semble que nous avons à demander à l'Esprit de renouveler notre communion mutuelle en nous ramenant tous à cette simplicité de l'adhésion à Jésus comme le Seigneur. On peut dire de Jésus tant et tant de choses mais celle-ci est sure et je ne me leurre pas en la tenant fermement : Il est Seigneur, son Père est Notre Père ; Il est Ressuscité et vivant dans son Église. L'Esprit nous ramènera toujours à ce diamant inaltérable de la profession de foi. Il nous purifie toujours davantage le regard pour que nous sachions y voir la lumière, son eau profonde, son éclat peu à peu insoutenable, sa merveille. Si tous nous nous laissons faire, une indestructible communion sera nouée entre nous.
J'en viens au deuxième aspect. Nous vivons tous notre foi dans des situations d'une extrême différence. Chacun et chacune vit une aventure unique. Plus nous nous connaissons plus nous sommes mis devant l'originalité de chacun et de chacune d'entre nous. Mais voilà le miracle de l'Esprit. Les dons, les activités, les fonctions, les circonstances, les responsabilités sont diverses mais c'est toujours le même Esprit. Vivre la Pentecôte c'est bien nous ouvrir aux différences que porte chacun comme manifestation d'une même Esprit. Dans l'Esprit nos différences sont des complémentarités. Si nous en faisons des oppositions c'est que nous ne vivons que pour nous mêmes. Il y a surabondance des dons de l'Esprit dans nos communautés chrétiennes, mais c'est le même Esprit et aussi différents que nous soyons, nous ne faisons qu'un seul corps.
Enfin il y a une troisième facette à ce mystère de l'Esprit en nous : c'est un Esprit d'amour fraternel. Mais l'amour ce n'est pas de bons sentiments c'est des actes. L'Esprit est cette force de Dieu qui malgré nos duretés nous rend fraternels. "Tu envoies ton souffle, ils sont créés" dit le psaume 103 ( 104 ) de cette fête du don de l'Esprit : effectivement, créés à l'image de Dieu, appelés à lui ressembler toujours plus, nous sommes constamment en train d'être modelés par lui à son image ; si je regarde le potier en train de façonner son vase, je vois celui-ci s'affiner de plus en plus dans les mains de l'artisan... Nous sommes cette poterie dans les mains de Dieu : notre ressemblance avec lui s'affine de plus en plus au fur et à mesure que nous laissons l'Esprit d'amour nous transformer. Jésus dit bien : "Je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous." Nous avons besoin d'un Défenseur, d'un avocat devant nous-mêmes, devant nos réticences à nous mettre au service des autres, devant nos timidités du genre "Qu'est-ce que si peu de pains et de poissons pour tant de monde ?" Nous avons bien besoin de ce Défenseur qui constamment, plaidera en nous pour les autres. Et ce faisant, c'est nous en réalité qu'il défendra, car notre vrai bonheur, c'est de nous laisser modeler chaque jour par le potier à son image.
Nous ne vivrons la Pentecôte que si nous nous ouvrons à ces trois réalités de la communion dans la foi, de l'unité dans nos différences, de la fraternité dans nos conflits. Rêve impossible ? Rien n'est impossible à l'Esprit Saint, si nous le laissons faire.
Jean ROUET

samedi 15 mai 2010

Par amour de ce monde


               Nous sommes dans le temps si caractéristique qui sépare l’Ascension de la Pentecôte. Ce temps où les disciples ne savent plus trop vers où regarder. Leur réflexe bien naturel est de chercher vers le ciel puisque c’est par là que Jésus est parti. Ils sont enfermés chez eux et il leur faudra 10 jours pour oser sortir et regarder enfin vers le monde ; 10 jours pour passer de la crainte du monde qui les entoure à la confiance.

               Ce que les disciples ont vécu pendant ces 10 jours ressemble terriblement à ce que nous vivons depuis 2000 ans. Nous sommes sans cesse tiraillés entre ces deux mouvements. Au long de son histoire, notre Eglise a parfois été prise par ce réflexe de repli sur elle-même par peur du monde : dans sa tour d’ivoire on ne risque plus de se compromettre. Mais tout au long de son histoire, notre Eglise a aussi été secouée par des hommes et des femmes de Dieu rappelant à tous que Jésus appelle ses disciples à sortir et les envoie dans le monde.

Lorsque nous avons tendance à regarder le monde en ennemi, un monde dont nous devrions systématiquement nous démarquer pour ne pas nous salir, il peut être bon de nous rappeler que c’est par amour de ce monde que Dieu s’est fait homme ; c’est par amour de ceux qui l’ont livré que Jésus a donné sa vie ; c’est par amour des pécheurs qu’il s’est compromis en s’invitant à leurs tables et en partageant leur vie.

On nous renvoie parfois l’image d’une Eglise qui se contenterait de condamner du haut de sa superbe ; d’une Eglise qui se considérerait comme un îlot de sainteté au milieu d’un monde en perdition ; d’une Eglise qui sous prétexte de s’adresser à Dieu se garderait d’apprendre à parler la langue des hommes. Mais nous savons, nous, que notre Eglise est autre chose. Elle est celle qui, à l’image de son Seigneur, se fait proche des pécheurs et des mécréants pour leur dire en acte l’amour de Dieu ; celle qui n’a pas peur de se compromettre pour rejoindre et accompagner toute détresse humaine ; celle qui prend le temps d’écouter et de comprendre pour reconnaître ce qu’il y a de bon et de juste en tout homme.

C’était bien-là l’enjeu essentiel du Concile Vatican II. C’est ce rapport-là de l’Eglise au monde qu’il a tenté d’actualiser. Il nous faut entendre à nouveau ce que l’ange disait aux disciples au jour de l’Ascension : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? ». Ce n’est pas vers le ciel qu’il nous faut regarder. C’est vers le monde, vers les hommes auxquels notre Dieu s’est mêlé pour toujours. C’est là qu’Il nous attend et qu’Il se donne à rencontrer.

 P. Pierre Alain LEJEUNE

 

mercredi 12 mai 2010

"Comme il les bénissait, il se sépara d'eux et fut emporté au ciel".


"Comme il les bénissait, il se sépara d'eux et fut emporté au ciel".

La description de la fête de l'Ascension par l'évangéliste est des plus discrètes. Le fait est annoncé, très peu de détails sont donnés en pâture à notre curiosité toujours avide de sensationnel. L'auteur des Actes des Apôtres rajoutera simplement, comme pour épaissir le mystère, une nuée qui le fait disparaître aux regards de ses disciples en attente.

Séparation, disparition, des mots qui évoquent dans nos existences des évènements la plupart du temps douloureux, séparation dans nos familles, disparitions de l'être cher, séparation entre les peuples, absence des êtres chers, rupture de liens directs. Nos existences sont ainsi souvent passées au creuset de la mort sous bien des formes.

Le livre des Actes nous dit aussi ce qui habite le cœur des disciples. "Est-ce bien maintenant Seigneur, le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël".

A travers ces mots, s'exprime une espérance forte pour maintenant, une espérance de libération du joug romain, pour ces hommes blessés dans leur fierté, dans leur bien, dans leur liberté, espérance d'une justice telle que les prophètes n'ont cessé de l'annoncer comme un droit pour la veuve et l'orphelin, une espérance d'être chez soi sur sa terre, une espérance de disposer de ses biens, de tout ce qu'on a reçu en héritage, une espérance d'un bonheur, d'un équilibre pour maintenant, pour aujourd'hui, une espérance où la vie sera plus légère, plus belle, est-ce maintenant Seigneur ? Pour moi, pour nous, la fin de nos soucis. Séparation, disparition, telle est la manière de Jésus de répondre dans les faits.

Ce qui est étonnant, c'est que loin de produire la tristesse, l'ascension de Jésus met au cœur de ses disciples trois sentiments plus précieux que toutes les sécurités pour aujourd'hui. Trois sentiments beaucoup plus porteurs de vie que toutes les restaurations pour aujourd'hui.

L'attente, la joie, la bénédiction.

"Vous allez recevoir une force". La disparition de Jésus, son retour auprès du Père, c'est pour être avec chacun d'entre nous jusqu'à la consommation des siècles, s'il disparaît aux yeux de l'histoire, c'est pour être davantage mêlé à l'histoire de chacun d'entre nous, à notre histoire collective. Il doit quitter les routes de la Galilée pour pouvoir être sur tous les chemins des hommes. "Il est bon pour vous que je m'en aille" avait-il déjà annoncé.

Nous voudrions le garder, mais son désir est d'être avec chacun.

Extraordinaire manière d'aimer, se séparer pour être davantage présent à tous et à chacun. Mais déjà, aux premiers jours de création, c'est en séparant le sable et l'eau, c'est en distinguant l'homme et la femme, c'est en délimitant le jour et la nuit qu'il fit le monde et qu'il nous donna le jour.

Cette manière d'aimer met au cœur des disciples la joie, joie de la vie plus forte que la mort, joie de la vie commune, de l'être ensemble, joie de ce qu'on devient, de ce qu'on nous donne beaucoup plus que joie de posséder. Joie qui a traversé la peur d'avoir raté, la honte de l'échec, l'enfermement.

Joie qui fait naître en son cœur des paroles de bénédiction. "Comme il les bénissait, il se sépara d'eux et ils étaient sans cesse dans le temple à bénir Dieu".

Marque essentielle de la prière chrétienne, de la prière de Jésus, qui dit d'abord le bien que Dieu fait, le bien que Dieu veut, le bien que nous sommes appelés à accomplir. Une prière qui nous fait du bien puisqu'elle est centrée sur la bonté de Dieu.

Vous allez recevoir la puissance du Saint Esprit qui sera sur vous. Vous serez alors mes témoins. Témoins de cette présence pour tous, témoin de la joie, de la bénédiction.

Supplions l'Esprit de venir faire en nous cette œuvre. "Viens Esprit du Père et du Fils, viens en nos cœurs, lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé. Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rend droit ce qui est faussé ! Oui, viens dans le cœur de tout homme de bonne volonté pour faire advenir en notre monde l'amour entre les personnes, dans les familles et les peuples".

samedi 1 mai 2010

Copyright

Certains d’entre vous ont sans doute été horrifiés, tout comme moi, par l’émission diffusée mardi soir sur France 2 : un reportage faisait état de l’étrange connivence entre la paroisse St Eloi et les pires réseaux de l’extrême droite où la haine n’a d’égal que la bêtise. Pire encore, où le nom de Jésus-Christ sert d’alibi pour justifier les pires violences.

En découvrant cela, nous aimerions que le nom de « catholique » ne soit pas utilisé à la légère ; que le mot de « chrétien » soit réservé à ceux qui vivent du Christ. Hélas, depuis 2000 ans, il n’existe pas de copyright sur ces noms et n’importe quel illuminé peut se dire « catholique ».

Il n’existe peut-être pas copyright mais l’Evangile de ce dimanche nous donne tout de même un critère de discernement pour user du nom de « chrétien » :

« Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres ».

Voilà un verset que ces individus semblent n’avoir jamais entendu (comme beaucoup d’autres d’ailleurs…). A la lumière de ce critère donné par Jésus lui-même, il appartient à chacun de discerner ce qui est du Christ et ce qui ne l’est pas. Il est des choix politiques, des visions du monde et de l’homme qui ne seront jamais fidèles à l’Evangile. Ce qui méprise l’homme, quel qu’il soit, n’est pas du Christ.

Comme vous, je souffre de voir des personnes se disant « catholiques » se comporter en ennemis de la foi. Car il ne faut pas se tromper : les pires ennemis de l’Eglise ne sont pas ceux qui la combattent du dehors ; le plus grand danger pour la foi chrétienne ce n’est pas l’athéisme militant. Le pire ennemi du Christ c’est celui qui, tel Juda, fait acte de soumission pour mieux tromper son maître ; celui qui, en bon pharisien, accomplit toutes les prescriptions rituelles pour mieux asservir Dieu à ses propres desseins ; celui qui, aveuglé par son idéologie et sa peur de l’autre, utilise le nom de Dieu comme une arme pour justifier ses propres idées. Celui qui use à l’envi du nom de « chrétien » mais refuse de passer par la porte étroite du premier des commandement.

Pourtant, je sais que Jésus Christ a vaincu toutes ces puissances de haine et de violence par la fragilité de l’amour, sur une croix. Et je sais que sa victoire est éternelle. Que le commandement de l’amour qu’il nous laisse comme unique testament éclaire nos paroles, nos actes et nos choix.

 P. Pierre Alain LEJEUNE