Nous sommes dans le temps si caractéristique qui sépare l’Ascension de la Pentecôte. Ce temps où les disciples ne savent plus trop vers où regarder. Leur réflexe bien naturel est de chercher vers le ciel puisque c’est par là que Jésus est parti. Ils sont enfermés chez eux et il leur faudra 10 jours pour oser sortir et regarder enfin vers le monde ; 10 jours pour passer de la crainte du monde qui les entoure à la confiance.
Ce que les disciples ont vécu pendant ces 10 jours ressemble terriblement à ce que nous vivons depuis 2000 ans. Nous sommes sans cesse tiraillés entre ces deux mouvements. Au long de son histoire, notre Eglise a parfois été prise par ce réflexe de repli sur elle-même par peur du monde : dans sa tour d’ivoire on ne risque plus de se compromettre. Mais tout au long de son histoire, notre Eglise a aussi été secouée par des hommes et des femmes de Dieu rappelant à tous que Jésus appelle ses disciples à sortir et les envoie dans le monde.
Lorsque nous avons tendance à regarder le monde en ennemi, un monde dont nous devrions systématiquement nous démarquer pour ne pas nous salir, il peut être bon de nous rappeler que c’est par amour de ce monde que Dieu s’est fait homme ; c’est par amour de ceux qui l’ont livré que Jésus a donné sa vie ; c’est par amour des pécheurs qu’il s’est compromis en s’invitant à leurs tables et en partageant leur vie.
On nous renvoie parfois l’image d’une Eglise qui se contenterait de condamner du haut de sa superbe ; d’une Eglise qui se considérerait comme un îlot de sainteté au milieu d’un monde en perdition ; d’une Eglise qui sous prétexte de s’adresser à Dieu se garderait d’apprendre à parler la langue des hommes. Mais nous savons, nous, que notre Eglise est autre chose. Elle est celle qui, à l’image de son Seigneur, se fait proche des pécheurs et des mécréants pour leur dire en acte l’amour de Dieu ; celle qui n’a pas peur de se compromettre pour rejoindre et accompagner toute détresse humaine ; celle qui prend le temps d’écouter et de comprendre pour reconnaître ce qu’il y a de bon et de juste en tout homme.
C’était bien-là l’enjeu essentiel du Concile Vatican II. C’est ce rapport-là de l’Eglise au monde qu’il a tenté d’actualiser. Il nous faut entendre à nouveau ce que l’ange disait aux disciples au jour de l’Ascension : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? ». Ce n’est pas vers le ciel qu’il nous faut regarder. C’est vers le monde, vers les hommes auxquels notre Dieu s’est mêlé pour toujours. C’est là qu’Il nous attend et qu’Il se donne à rencontrer.
P. Pierre Alain LEJEUNE
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