vendredi 14 novembre 2014

Rien à perdre, tout à gagner !

              Cette parabole des talents, nous la connaissons si bien ! Depuis que nous sommes enfants, nous l’entendons comme une invitation à reconnaître et à faire fructifier les talents que nous avons reçus. Pourtant cette histoire produit parfois chez ceux qui l’entendent un effet paradoxal : elle nous fait peur… Car nous pouvons y entendre comme une injonction de produire du fruit ! « Si tu ne produis rien, si tu ne réussis pas, tu es inutile et tu seras jeté dehors ! » Nous pourrions être tentés d’y voir une condamnation de ceux qui se trouvent en échec, bons à rien, sans réussite. Il me semble que cette lecture-là - tellement contraire à l’Evangile - est plutôt tributaire de notre société de l’hyper réussite, de la compétitivité à tout prix, de la compétition permanente. Rien à voir avec l’Evangile !
Le message de Jésus est tout autre bien sûr. Ce n’est pas tant produire du fruit qui importe avant tout. L’essentiel est ailleurs. Pour trouver cet essentiel, posons-nous la question : quelle est la différence entre les deux premiers serviteurs - ceux dont les talents se sont multipliés – et le troisième dont le talent n’a rien porté aucun fruit ? La différence réside dans la manière dont ces hommes regardent leur maître. Le troisième serviteur le reconnaîtra lui-même : « J’ai eu peur… je savais que tu es un homme dur ». Mais qui lui a dit que son maître était un homme dur ?!? Tout cela est dans sa tête, dans son regard, dans son cœur.
Pourquoi donc les deux premiers serviteurs n’ont-ils pas réagi de la même manière ? La différence entre ces hommes n’est pas dans leur habileté ou le nombre de leurs talents mais plutôt dans la manière dont ils regardent leur maître. Si je regarde Dieu comme une puissance menaçante ; si je reçois la vie qu’il me donne comme un danger alors je ne vivrai que sur la défensive, dans la peur. Si je sais porter sur Dieu un autre regard ; si je le vois comme un Père aimant que veut me voir grandir ; si je sais recevoir la vie comme un don et une bénédiction, alors je porterai beaucoup de fruit quoi qu’il en soit des aléas que la vie me réserve. Cette parabole est une invitation à ne pas avoir peur ; à renouveler notre regard sur Dieu.
Au fond cette parabole nous place devant une alternative : vais-je vivre en sourdine, un peu comme on enfouit un trésor dans la terre par peur de le perdre ? Ou bien vais-je vivre sans peur de perdre, puisque de toutes les façons, il n’y a rien à perdre mais tout à gagner ?« Qui veut garder sa vie la perd mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera ! »  La vie que nous avons reçue de Dieu peut être perçue comme un danger ou comme une chance… à nous de choisir ! Dieu peut être regardé comme une menace ou comme un allié… à nous de choisir !
P. Pierre Alain LEJEUNE





dimanche 2 novembre 2014

Et après ?

              Et après ? Ces deux mots comme une question sont, je trouve, la plus belle réplique du film que nous avons visionné à l’aumônerie de Saint Pierre il y a 10 jours ; il s’agit du dernier film de Pawel Pawlikowski : Ida.
              « Et après ? » : c’est la question que renvoie une jeune novice à un garçon lui proposant de partir avec lui. La jeune fille répond : « et après ? ». Par ces deux mots, elle exprime que sa quête de sens ne s’arrête pas là ; ne s’arrête pas à cette vie. Qu’il ne suffit pas de construire sa vie d’ici-bas pour être rassasié de vie. Qu’elle désire plus. Qu’elle regarde plus loin.
              Quelques jours avant de prononcer ses vœux, Ida se retrouve confrontée à un monde athée et désespéré. Un monde qui n’a aucun « après ». Pour elle, le choix qu’elle se prépare à poser, dans cette vie, n’a de sens qu’à la lumière de cet « après ». C’est en regardant l’horizon que nous trouvons l’équilibre.
              Aujourd’hui, en priant pour nos défunts, nous regardons vers l’horizon ; nous sommes dans l’espérance de cet « après » qui donne sens au maintenant. Cet avenir qui donne sens au présent. S’il n’y avait pas d’après, que voudrait dire vivre aujourd’hui ? Faire le plus possible ici-bas avant le coup de sifflet final ? Profiter un maximum avant que tout ne s’arrête ? Tout cela manque un peu de relief, de profondeur, d’espérance.
             La foi en une vie après la mort n’est pas, pour nous, une manière de nous rassurer à bon compte sur notre sort. Mais elle porte un éclairage nouveau sur cette vie. Tout ce que nous vivons, nos plus belles histoires comme nos blessures les plus douloureuses, tout cela nous porte à regarder plus loin, à regarder après. Il ne s’agit aucunement de fuir le présent mais bien plutôt de le vivre autrement. De manière plus… libre !
           Et après ? Pas plus que vous, je n’ai de réponse à cette question. Où sont nos proches disparus ? Où allons-nous ? Mais ce n’est pas d’une réponse dont nous avons besoin. Ce n’est pas une réponse que l’Evangile nous offre ; c’est un chemin qu’il nous ouvre, une espérance qu’il nous donne. Il y a un « après » ! Aujourd’hui nous prions pour nos défunts car nous croyons que l’ « après » qu’ils vivent maintenant, donne sens à ce qu’ils ont été au milieu de nous sur cette terre. C’est parce que notre avenir est en Dieu, que notre présent a un sens et qu’il a, déjà, valeur d’éternité.

 P. Pierre Alain LEJEUNE


samedi 1 novembre 2014

Une question simple

Il suffit de répondre pour « oui » ou par « non » : 


voulez-vous être saint ?



Si vous avez choisi de répondre « oui », vous avez choisi la voie du bonheur selon l’Evangile.
Si vous avez choisi de répondre « non », vous avez choisi la fausse modestie qui dissimule nos peurs de ne pas y arriver. Ou bien vous êtes liés par des images d’un Dieu qui propose une morale triste, une sagesse d ‘une infinie tristesse. Ou bien des images de sainteté aux saints de plâtre, de marbre toujours aussi inertes…
L’appel à la sainteté est l’appel au partage du bonheur de Dieu.
C’est un bonheur paradoxal, un bonheur à cent lieux de la brillance, à cent lieux des caméras et des micros, à cent lieux du reality-show, à cent lieux de l’éphémère.
C’est un bonheur tourné vers l’avenir, un bonheur non-satisfait de lui, un bonheur d’espérance, un bonheur qui n’est pas clos sur lui-même. Un bonheur qui a le goût du manque, du manque de plénitude, mais qui expérimente ce manque comme un formidable tremplin vers la plénitude de Dieu et le service du frère.
La pauvreté de cœur est en premier et creuse ce manque d’où peut naître la douceur, la miséricorde, la compassion, la paix, la justice, la pureté du regard autant de chantiers où l’humanité est en attente, en espérance de plénitude et qui nous ferons affronter la persécution.
C’est un bonheur universel. Le coeur de Dieu n’est pas limité à 144 000, le cœur de Dieu n’a pas d’autres limites que l’infini de son amour ; et c’est une foule que nul ne peut dénombrer, la foule de tous ceux qui ont vécu ainsi leur existence.
C’est le bonheur de la communion universelle, de la solidarité universelle dans la douceur, la justice, la miséricorde… Nous pouvons nous appuyer à fond sur ce réseau social de sainteté !
C’est un bonheur du petit peu à chaque fois. Dans telle rencontre, telle relation, tel travail, tel échange, je peux, ici et maintenant, vivre un peu de douceur, un peu de miséricorde, un peu de pureté du regard, un peu de paix. Ce « peu » est un instant d’avenir.
C’est donc un bonheur à notre portée car chacun on peut « un peu » !

Rêvez donc de sainteté !

samedi 25 octobre 2014

Aimer l'autre comme soi-même et la fin de vie...

Le premier et le second commandement sont donc semblables : « Aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même. »
Aimer son prochain comme soi-même ! Nous entendons à nouveau cet appel du Christ quelques jours après que le comité national d’éthique ait rendu public un rapport sur la fin de vie.
Laissons nous éclairer par cette parole pour évoquer ce sujet si difficile.  Nous y sommes confrontés régulièrement et quelques fois au sujet de nos proches.
Nous appartenons tous à cette humanité marquée par la finitude et la vulnérabilité. Malades ou bien portants, soignants ou soignés, prêtre ou fidèles nous sommes tous situés face à la mort et plus précisément à notre propre mort. Mais deux règles structurent nos consciences pour affronter notre condition mortelle. Il y a une règle négative et une règle positive.
« Tu ne tueras pas » est un interdit fondateur de la vie des hommes entre eux.  Le contraire est la sauvagerie. Malheureusement elle existe. Progresser en humanité c’est passer de la force de la violence à la force du droit. Supprimer une vie, quelles qu’en soient les justifications, est une violence qui engendre de la violence.
Face à cet interdit,  il y a l’appel positif du « tu aimeras ». Le choix de la vie est le choix de la tendresse sur la violence surtout pour les êtres en situation de fragilité dans la maladie ou dans l’affrontement à leur mort. 
Nous sommes des êtres de relation, en relation. La relation est notre respiration humaine. Même si les autres quelquefois nous empêchent de respirer ou nous pompent l’air,  nous vivons grâce à nos relations.
La souffrance nous recroqueville sur nous-mêmes, rétrécies nos vies. Nous sommes comme réduits à nous-mêmes. C’est bien dans ces moments là que nous avons besoin d’être accompagnés et non rejetés, c’est à cette heure là qu’il ne faut pas être abandonné. Nous avons besoin d’avoir sur nous un regard qui nous révèle que nous existons pour quelqu’un. Nous avons besoin d’une main qui nous caresse pour nous faire éprouver autre chose que notre douleur. Aimer une personne c’est la respecter, l’aider et la protéger tout à la fois au moment où elle en a le plus besoin.
La grande tentation qui peut alors nous frapper est celle du déni. Nous voulons ignorer dans quel état nous sommes, nous voulons ignorer dans quel état est l’autre. Le bavardage ou la fuite sont nos principales armes. Ce déni est sous tendue par la peur, il masque notre peur de la mort et de la douleur. Mais le déni ne permet pas d’être dans une vraie relation de personne à personne et dans l’état réel où elles sont.
Accompagner jusque dans la souffrance et la mort c’est prendre soin de toute la personne dans sa globalité. On ne laisse pas tomber, on ne laisse pas quelqu’un à sa souffrance, on ne l’élimine pas de nos relations. On apprend à résister à la tyrannie de ses émotions, de ses hauts le cœur.
Quelque que soit notre état de santé psychique ou physique nous ne sommes jamais morts socialement. On ne réduit pas quelqu’un  à son utilité : un mourant n’est pas un inutile dont il faut se débarrasser le plus vite possible. Nos malades et nos mourants nous apprennent des qualités indispensables à notre humanisation : la douceur, la patience et l’empathie. 
Il nous faut servir dans notre société cette culture de l’empathie : du vivre avec, du sentir avec, du souffrir avec. Il nous faut développer une culture palliative dans nos lieux de soins, dans nos maisons de retraite, dans nos familles.
Trop peu est fait en France dans nos structures de santé puisque 80% de français n’ont pas accès aux soins palliatifs.
Trop peu est fait dans nos consciences. Nous risquons entretenir la conviction que c’est la souffrance qui est salvatrice et l’exemple de la croix du Christ peut nous entrainer dans cette pensée. Ce qui sauve c’est l’amour au cœur de la haine, c’est l’amour de la personne au delà de tous ses handicaps, ce qui sauve c’est l’amour jusqu’au bout du bout de la vie. Telle est la croix du Christ. Et « nous serons jugés sur l’amour. »
Des propositions sont étudiées pour modifier la loi essentiellement sur deux points : les directives anticipées et la sédation en phase terminale.
Les directives anticipées, c’est à dire les dernières volontés du malade, supposent un vrai dialogue continu entre les soignants et les soignés. Le choix n’est pas entre l’acharnement thérapeutique ou l’euthanasie. Le choix c’est aussi l’accompagnement jour après jour, heure après heure dans le respect, le soutien et la prière.
Bien sûr, il faut soulager la douleur même si l’on sait que cela risque d’accélérer le processus de fin de vie. Mais l’intention est ici de soulager, de soigner. Jamais la conscience ne doit renoncer à prendre soin. Elle ne doit jamais se résigner à donner la mort.
Nous savons dans la foi que chaque personne vulnérable « a du prix aux yeux » de Dieu (Isaïe 43,3). C’est pourquoi un accompagnement humain des personnes en fin de vie est la reconnaissance authentique de leur inaliénable dignité. Cela aussi du prix aux yeux de Dieu.
Aimer l’autre comme on s’aime soi-même jusqu’au bout de soi. Aimer l’autre comme le Christ nous a aimés jusque dans la mort. C’est là qu’est né la dignité de toute personne humaine.



lundi 6 octobre 2014

Célébration des 10 ans d’adoration perpétuelle au Sacré-Coeur de Bordeaux



Le pain de vie est offert à nos regards. L’acte par lequel le Christ a donné sa vie pour le salut du monde nous est présent éternellement. A nos yeux, est exposé son corps livré “pour nous et pour la multitude”. Le don de l’amour du Père est accessible à tous ceux et celles qui s’en approchent, il est aussi simple qu’en peu de pain aussi profond que le mystère de Dieu en tout temps. A chaque instant l’amour nous est offert en nourriture pour le salut du monde.
Ce que l’adoration eucharistique nous fait vivre en premier, c’est la contemplation de l’amour infini de notre Dieu dans l’histoire des hommes. Adorer c’est d’abord contempler. Contempler, c’est durer dans le regard, c’est se laisser impressionner par ce que l’on voit. Contempler, finalement, c’est s’attacher à être comme les apôtres.
La vie des apôtres est une vie toute entière sous le regard du Christ et dans le regard du Christ. La vie des apôtres est un apprentissage continuel de l’attitude de contemplation : trois ans dans la présence réelle et corporelle du verbe de Dieu, trois ans dans le compagnonnage du Fils Unique. Jean le baptiste le précurseur, celui qui pose son regard sur le Christ, se trouve établi par ce regard même comme compagnon de l’Epoux.
Les apôtres de la résurrection n’ont cessé d’annoncer la présence du Ressuscité à travers ce qu’ils avaient contemplé pendant les trois ans de sa vie publique et les évangiles nous exposent cette présence et le corps eucharistique du Christ est comme la mémoire vive de cette présence.
L’adoration eucharistique nos façonne pour que nous soyons des apôtres, des disciples du Seigneur Jésus. C’est pourquoi l’adoration fait de nous des suppliants, des intercesseurs, des hommes et des femmes qui, avec le Christ, présentent au Père dans le souffle de l’Esprit Saint le besoin de pain, le besoin de pardon, le besoin de délivrance de tous nos frères humains.
Nous contemplons le Christ pour intercéder avec lui “pour la gloire de Dieu et le salut du monde”. Cette phase est au cœur de nos eucharisties et introduit la prière eucharistique qui nous restitue, aujourd’hui, ce que le Christ a fait une fois pour toutes, à la croix. Adorer nous met donc avec le Christ afin de participer grâce à lui, avec lui, en lui au salut du monde.
Elle est longue la liste des pains qui manquent, des pardons qui manquent, des libérations qui manquent. Elle est longue la liste des affamés, des rejetés, des emprisonnés du mal.
Nous adorons pour aimer avec le Christ et votre église, la chapelle d’adoration doit bruisser de toutes ces présences car le Christ leur est présent.
En vos cœurs doit résonner la faim des hommes, la peur des hommes, les appels des hommes.
En votre prière vous rejoignez le cœur universel du Christ.
Enfin au cœur de la ville de Bordeaux vous portez le signe, nécessaire à notre témoignage commun, de l’unique nécessaire ainsi que Jésus le dit à Marthe en parlant de sa sœur Marie. L’unique nécessaire c’est ce regard premier dans nos vies du Seigneur Jésus. L’unique nécessaire c’est ce pain qui doit alimenter chaque jour de nos vies. L’unique nécessaire  c’est le Christ notre vie. Le Christ à l’origine de nos pensées, de nos actions, de nos intentions. Le Christ à l’origine de notre témoignage ecclésial et personnel. Le Christ la pierre angulaire sur laquelle tout repose.
Cette présence offerte ici jour et nuit à nos regards nous emplit de la Joie de l’Evangile.
« Vous criez de Joie pour le Seigneur adorer le Seigneur qui nous a fait ». (Psaume 94)

Jean ROUET

mercredi 1 octobre 2014

No in my name

Après les États Unis et l'Angleterre, l'horreur nous a atteint et beaucoup parlent désormais de guerre. La parole se veut plus forte, plus claire, plus décidée. Il est temps de ne plus confondre islam et terrorisme, il est temps de ne plus confondre liberté de penser et pouvoir dire n'importe quoi sur n’importe qui. Il est temps de ne plus confondre la cause de Dieu avec son propre intérêt. Il est temps de mettre la cause de l'homme avant le pétrole. Il est temps que tous les pays qui se réclament de l'islam comme religion officielle soient les premiers artisans de lutte contre les terroristes. On ne négocie pas avec celui qui veut nous tuer, on se défend.
Les risques sont redoutables.
L'Amérique ne doit pas être le gendarme du monde, les guerres précédentes ont montrées la nocivité de cette posture. Seule une solidarité entre les nations unies peut être porteuse d'un vrai sursaut pour les irakiens, syriens et autres peuples sous la férule de ces tyrans.
La peur peut nous gagner et nous inciter à nous recroqueviller. Comme d'habitude elle est mauvaise conseillère. Tout et tous sont sous le soupçon et ça devient invivable.
La haine peut nous contaminer comme un poison violent que certains réseaux entretiennent déjà avec une ferveur indécente.
Le désir de vengeance peut nous envahir comme une justice du œil pour œil et dent pour dent.
La seule route possible comprend approfondissement, prières des croyants, dialogue avec tous les hommes de bonne volonté et réalisme sur la capacité de nuisance des adversaires.
Tous les jeudis à 17h15, la célébration à Notre Dame est à cette intention. Sur le site internet du diocèse vous trouverez des témoignages, des intentions de prières et des appels au secours de nos frères d’Irak. Agissons ensemble pour comprendre, secourir, prier et travailler à la paix.

Jean ROUET

jeudi 18 septembre 2014

Changer de regard

               Après un été à la météo plutôt capricieuse, le soleil s’est enfin mis à briller à partir du 1er septembre. Soudainement. Insolemment. Qui parmi nous n’a pas éprouvé de l’agacement voire une pointe de jalousie pour ceux qui commençaient leurs vacances au moment où nous reprenions le chemin du travail ?  «Ce n’est pas juste ! Pourquoi ont-ils la chance que je n’ai pas eue ?  »
              Qu’il est difficile de se réjouir du bonheur des autres ! Qu’il nous est difficile d’éprouver une vraie joie pour les autres ! C’est exactement à cela que nous invite la parabole des ouvriers de la dernière heure. Dans cette histoire, ceux qui ont travaillé depuis le matin ont reçu le salaire qui leur était promis dès le départ. Pourtant, ils vont exiger plus, au motif que les ouvriers qui n’ont travaillé qu’une heure reçoivent le même salaire qu’eux. Leur raisonnement est logique, humain ; trop humain… Mais les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées. Sa justice n’est pas notre justice.
Par cette parabole, Jésus nous appelle à changer de regard. A cesser de regarder l’autre en se regardant soi-même. « Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? ». Le péché est souvent une question de regard ; de manière de regarder. La convoitise, c’est le désir immodéré de posséder ce qui est à l’autre. Et la convoitise me rend aveugle : elle me rend incapable de me réjouir de ce que j’ai, de ce que je suis. Tout est dans le regard : le regard que je pose sur l’autre ; le regard que je pose sur moi-même.
Dans cette conversion du regard à laquelle nous invite l’Evangile réside, il me semble, l’une des plus grandes clés du bonheur tant il vrai qu’une grande part de nos souffrances vient de ce que nous ne savons pas nous réjouir de ce que nous sommes.
D’ailleurs notre société de consommation repose sur ce mécanisme pervers qui nous fait continuellement croire que nous pouvons être quelqu’un d’autre que celui que nous sommes, que nous pouvons posséder toujours autre chose, avoir toujours plus. Comme si notre bonheur dépendait de ce « toujours plus » alors qu’en réalité, il s’agit d’abord consentir à ce que nous sommes, de redécouvrir la joie d’être ce que Dieu nous donne d’être.
Se réjouir de ce qu’est l’autre, de ce qu’il fait de beau, de ce qu’il vit de grand. Se réjouir de ce que je suis, de ce que Dieu m’a donné. Retrouver la joie en laissant Dieu m’ouvrir les yeux. M’accueillir tel que je suis. Cesser de convoiter. Vivre enfin ! 
P. Pierre Alain LEJEUNE


mercredi 28 mai 2014

Que veut dire cette fête de la disparition du Christ, de son Ascension ?



Les apparitions du ressuscité comportent toutes les mêmes éléments : chaque fois le Christ apparaît de manière inattendue ; chaque fois, c'est lui qui a l'initiative ; chaque fois la chose est si soudaine qu'on ne le reconnaît pas : on le prend pour un fantôme, un jardinier, un inconnu, chaque fois on nous parle du doute des disciples. Le corps du Christ ressuscité est étrange puisqu'il apparaît toutes portes étant closes et on ne reconnaît son corps qu'au moment où sa manifestation est reliée à des actes ou des paroles  d'avant la Pâques : il appelle par le nom comme avant, il permet la pêche miraculeuse comme avant. C'est bien le même : il a sur lui les plaies de la passion.
Dans l'épisode des disciples d'Emmaüs le Christ va être reconnu grâce à d'autres indices : l'explication des Écritures et la fraction du pain mais dès qu'il est reconnu vivant sa manifestation physique disparaît. Il y aura dans le nouveau testament une autre apparition du Christ ressuscité après la Pentecôte à Paul sur le chemin de Damas. La manifestation physique de la présence du Christ ne se fait ici que par une voix et une grande lumière ; une voix dans laquelle le Christ s'identifie aux chrétiens persécutés. Et Paul ne reconnaîtra pleinement le Christ que lorsque Ananie le baptisera : c'est à dire par son entrée  l'Église et le signe sacramentel qui l'accompagne ; à ce moment des écailles tomberont de yeux. Il n'y a plus à voir que l'Église : présence corporelle du Christ.
Les différents récits nous montrent un effacement progressif de la manifestation physique du Christ. Pourquoi cela ?
Après sa mort Jésus est apparu pendant un temps assez court mais suffisant pour que les apôtres découvrent que Jésus est  bien vivant ; c'est bien lui : sa manifestation physique sert d'indice, d'indicateur de cette présence qui se continue après la mort ; mais le plus important est cette présence : dés qu'elle est reconnue l'indice, l'apparition, le panneau indicateur disparaît. Il n'y a plus besoin du panneau indicateur puisque "Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin des temps."
A chacun d'entre nous cette présence est accessible. Jésus est venu établir une relation nouvelle entre Dieu et l'homme, une nouvelle alliance, il est venu faire corps avec chacun d'entre nous et plus particulièrement avec ceux qui sont persécutés, avec les pauvres. Oui  il est bon qu'il s'en aille comme il le dit dans l'Evangile ; il est bon que son corps physique disparaisse pour qu'apparaisse cette extraordinaire nouvelle qu'il est avec chacun, qu'il est en chacun.

Jean ROUET

mardi 1 avril 2014

Des résultats attristants !!



Tel est mon sentiment après les élections municipales. Non parce que la droite l’emporte sur la gauche mais parce que le discours dominant n’a pas changé !
Dans les commentaires nombreux qui se succèdent dans nos machines à voir et à entendre, le centre des préoccupations n’est pratiquement jamais l’homme.
La finalité de tous les discours, de droite comme de gauche, c’est la croissance, la productivité, le rendement.

La croissance est d’abord économique et non humaine, l’emploi est productivité et non travail à la mesure de l’homme, le rendement il est financier et non de qualité humaine. L’homme qui est au centre des discours politiques est au service de la machine et non l’inverse.

Beaucoup s’étonne de l’augmentation de l’abstention, quel aveuglement sur l’augmentation de la désespérance ! Le politique a pour vocation de donner une espérance, de tracer un chemin nos politiques ne vous proposent que des chiffres et ceux-ci sont de plus en plus mauvais. On ne nous propose pas de vrais projets, on calcule les meilleures recettes. On ne fait pas de l’humain, on fait du chiffre !

Je fais totalement mien la prière du pape François dans la joie de l’Evangile au n°205 :


“Je demande à Dieu que s’accroisse le nombre d’hommes politiques capables d’entrer dans un authentique dialogue qui s’oriente efficacement pour soigner les racines profondes et non l’apparence des maux de notre monde ! La politique tant dénigrée, est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun. Nous devons nous convaincre que la charité « est le principe non seulement des micro-relations : rapports amicaux, familiaux, en petits groupes, mais également des macro-relations : rapports sociaux, économiques, politiques ». Je prie le Seigneur qu’il nous offre davantage d’hommes politiques qui aient vraiment à cœur la société, le peuple, la vie des pauvres ! Il est indispensable que les gouvernants et le pouvoir financier lèvent les yeux et élargissent leurs perspectives, qu’ils fassent en sorte que tous les citoyens aient un travail digne, une instruction et une assistance sanitaire. Et pourquoi ne pas recourir à Dieu afin qu’il inspire leurs plans ? Je suis convaincu qu’à partir d’une ouverture à la transcendance pourrait naître une nouvelle mentalité politique et économique, qui aiderait à dépasser la dichotomie absolue entre économie et bien commun social.