vendredi 26 décembre 2008

Tendez vos mains !


Tendez vos mains ! Ouvrez-les en grand ! L’enfant peut y tenir emmailloté de langes. Ainsi Dieu tient au creux de vos mains. C’est à ne pas y croire ! On dirait un conte de Noël, une de ces merveilleuses histoires que l’on aime se raconter une fois par an avec les enfants autour de soi et le maximum des siens.

C’est une telle joie de tenir un enfant dans ses mains ! Un papa, l’autre jour, en était lumineux : il avait tant craint avant la naissance que lorsqu’il a tenu le fruit de son amour sans aucune difficulté, il était resplendissant d’être si naturellement le père.

C’est étonnant qu’il y ait une telle concentration d’espérance et de crainte, d’avenir et d’incertitude : tout est ouvert et tout est risqué, tout est espéré et tout est ignoré. La seule certitude est celle de l’amour qui envahit si fortement et si tendrement à la fois. C’est tellement vrai que nous sommes dans l’horreur quand ce petit être n’est pas désiré ou bien même quand il vient déranger nos égoïsmes bien installés. C’est une telle souffrance quand il ne vient pas ou un tel effroi quand il meurt subitement ouvrant à tout jamais un abîme de tristesse.

Dieu a besoin de nos mains pour y reposer à ses risques et périls. Pour en mesurer la portée, rappelez-vous tout ce que vous avez fait, touché, travaillé avec vos mains, et l’une et l’autre, ces dernières vingt quatre heures : une main ouverte ou fermée, une main propre ou sale, une main crispée ou tendue, une main qui déblaie ou qui emprisonne, une main qui caresse ou qui gifle. Telle est ma main, votre main ! 

Quelles mains ont aidé le Créateur du monde à venir chez les siens ? Au creux de la main de Marie, de Joseph, l’enfant est accueilli et Dieu a enfin une place à lui, pleinement à lui dans l’univers des hommes. Maintenant, donnez-vous la main ! Donnons-nous la main , où Dieu se blottit dans le creux de nos mains et doucement, tendrement, juste ou faux peu importe, chantons, reprenons le chant des anges qui sourient de nous voir à nouveau naïfs et simplement fraternels puisque l’enfant joint nos mains. Doucement : « Gloria in excelsis Deo ».

Tout cela se passe en Bethléem, ce nom de ville qui signifie la maison du pain ; et tout se passe dans les lieux où nous rompons le pain. De la crèche à la cène il y a le lien de nos mains qui accueillent en chaque eucharistie le même Christ et Seigneur, l’enfant, prince de la paix, merveilleux conseiller, fruit de l’amour invincible du Seigneur de l’univers. Nos mains à l’heure de la communion vont se tendre et s’ouvrir pour qu’il y soit déposer le Seigneur notre Dieu, le Fils tant aimé de Marie et Joseph, Celui qui se fait nourriture puisqu’il est né dans une mangeoire.

Pour manger, d’ailleurs, on ne s'en prive pas ces jours-ci, au moins pour la plupart d’entre nous. C’est heureux de rompre le pain en famille, avec les amis pour un temps de paix et de simplicité et c’est heureux de manger de bonnes choses qui déploient la convivialité et la grâce d’être ensemble ; c’est tellement dur quand ce n’est pas possible, c’est tellement dur qu’il ne faut pas en rajouter en cherchant des coupables, il vaut mieux mettre toute son énergie à faire baisser le nombre de ceux qui n’auront pas de table familiale, amicale, chaleureuse.

La mangeoire devient autel et commence l’offrande de Dieu, le don absolu qui ébranle l’histoire et l’ouvre à l’éternité.

Un enfant et du pain, tout cela en nos mains, c’est trop simple, me direz-vous ! Vous nous prenez par la tendresse, c’est trop facile ! Frères humains, croyez-moi, c’est cela le vrai réel, le réel dans sa vérité tel qu’il apparaît en Dieu. Tout le reste est superposition d’objets et de calculs, de soucis et de tensions où nous sommes au centre comme si c’était nous au creux de nos propres mains.

Je suis sur que vous êtes comme moi fatigué des calculs en tous genres, des contournements, des mesquineries – les miennes et les vôtres – des coups médiatiques où l’on joue sur les images sans aucune profondeur sinon dans le seul but de faire parler de soi. Faites comme Dieu : donner votre présence réelle au creux de vos tendresses et de vos affections ; offrez réellement votre sourire, du temps perdu, un petit signe qui renvoie à la réalité de votre amitié, de votre ouverture, de votre souci.

L’enfant de la crèche au creux de la mangeoire nous dit la présence éternelle de Dieu dans l’histoire.

Le pain de nos eucharisties aux creux de nos mains dépose l’amour infini de notre Dieu au profond de nos histoires.

Donnez votre présence réellement ; ne vous cachez pas derrière le miroir, n’ayez pas peur des rides, des bleus, des défauts de cuirasse ; ce qui est attendu c’est vous et vous, réellement, simplement. Soyez votre meilleur cadeau. Dieu n’en a pas d’autre que Lui et le voilà au creux de votre être offert comme une nourriture qui console et réconforte. Alors doucement, les yeux fermés pour mieux voir sa présence réelle en nos coeurs, chantons : « Gloria in excelsis Deo ».

lundi 15 septembre 2008

Millescer !

Robert tu aimes les paroles libres et même les libres paroles mais il est difficile de prendre la parole en ce lieu et en cette heure ! La liberté est toujours un chemin. L’encensement risque de te faire tousser même s’il revient davantage à la mode et j’aurai soin de ta santé ! Les éloges ? ils sont souvent funèbres ! On verra pour plus tard, ce n’est en rien un enterrement de première classe… puisque on se reverra sur cette bonne terre ! Le merci ? oui, c’est bien une piste naturelle de gens réalistes et bien élevés mais il est-il suffisamment évangélique ? Jésus ne dit jamais merci à ses apôtres dans l’évangile serait-il mal élevé, ou ingrat ?

Il me faut donc chercher dans les sentiments qui sont dans le cœur du Christ pour avoir entre nous la parole fraternelle et amicale qui rende gloire à Dieu.

C’est imposé à moi ans cette recherche la parole de Jésus au jour des béatitudes. : « Que votre lumière brille devant les hommes : alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »

En te voyant, il y a délits de faciès et d’accent c’est pourquoi je rends grâce à Dieu tout d’abord pour la terre basque où tu a vu le jour, pour tes parents, ta famille, la culture que tu as reçu de ce peuple, de cette langue. Aux gascons que nous sommes elle apprend l’audace de la droiture et de la belle détermination. Mais enfin si Dieu a créé le Basque, il a crée aussi les béarnais …

Je rends grâce à Dieu qui est venu en terre des hommes. Désormais il n’y a pas d’autres chemins pour le trouver que celui de ce siècle, de cet aujourd’hui avec son épaisseur et dans toutes ses dimensions politiques, économiques, sociales, spirituelles, affectives…

Je rends grâce à Dieu pour la dignité qu’il accorde à chaque être, une dignité faite de respect et d’écoute, une dignité qui ne se mesure pas au compte en banque qu’il soit plein ou vide, qui ne se laisse pas intimité par la puissance ou l’impuissance apparente mais qui suscite la liberté intérieure et le service maximum.

Je rends grâce à Dieu pour son Église une Église des hommes et des femmes, une Église où la part de chacun est nécessaire au bien de tous, une Église qui en vit pas pour elle-même mais, parce qu’elle existe pour la gloire de Dieu, elle se souci absolument du sort, du salut de tous les frères humains.

Je rends grâce à Dieu pour sa créativité dans les multiples chemins de la fraternité il a même suscité de nouveaux instituts pour nous permettre d’aller au cœur du Christ et au cœur du monde tout ensemble.

Je rends grâce à Dieu pour l’intelligence de l’homme et le sens du travail bien fait, de la recherche intellectuelle exigeante, et sur ce point le pape ne pourra me contredire en ces jours : l’effort de l’intelligence et de la raison ouvre des possibilités pour que les autres cherchent avec moi.

Je rends grâce à Dieu pour nous avoir donné des pasteurs selon son cœur : désintéressés, libres, en avant du troupeau sans crainte des dangers.

C’est une action de grâce d’abondance, que tu nous permets d’avoir en ce jour et je suis sur de ta joie que nous soyons ainsi, avec toi, joyeux des dons de Dieu. Il t’a permis de les mettre au service de tant et de tant d’hommes ici et ailleurs, en France et sur les chemins de la fraternité de l‘Évangile dans bien des pays ! J’ai une pensée particulière pour nos frères du Vietnam et du Pérou… et il y en a bien d’autres.

Mais il me faut accomplir mon office : ton Église locale t’a envoyé en mission parmi nous, nous t’envoyons à notre tour en mission dans ton Église locale: « Que ta lumière brille devant les hommes et les femmes de cette terre basco-béarnaise: alors en voyant ce que tu fais de bien, ils et elles rendront gloire à notre Père qui est aux cieux. »

Millescer Jauna !

mercredi 27 août 2008

Bon et fidèle serviteur entre dans la joie !


Evoquer la figure qu’a été parmi nous Mgr Maziers est un exercice qui, pour les prêtres de ma génération, fait parcourir les débuts de notre vocation et de nos premières années de ministère.

Le sentiment qui s’en dégage est une grande reconnaissance. Penser à Mgr Maziers, à ce qu’on lui doit met la paix dans le cœur et du goût pour la Mission.

Il y a ses traits de caractère bien connus, sa timidité apparente, son écoute profonde la bouche entrouverte, son adaptation très progressive au vin et à sa culture, et ses grands éclats de rire qui illuminaient ce visage grand ouvert.

Il y a des images fortes à la limite de la caricature, son implication à la demande du Cardinal Richaud dans les évènements de Dassault en 1967, sa responsabilité dans la rédaction et la parution des textes de l’Episcopat français, lui ont donné la réputation d’être un évêque rouge, ce qui le dispensa du "rouge cardinalice". On raconte que, lors d’une Visite ad Limina, le pape Paul VI lui fit quelques remarques sur les textes qui avaient paru. Le Père Maziers invita alors Paul VI à s’approcher de la mappemonde qui était dans la bibliothèque du pape, et il lui montra l’ensemble des pays du monde marqués à l’époque par l’idéologie communiste, et il dit au Saint Père que l’on ne pouvait se désintéresser de l’annonce de l’Evangile à tous ces peuples, à toutes ces cultures, et le pape aurait répondu : « Continuez ». Tel est me semble-t-il le souci essentiel qui habitait le cœur de Mgr Maziers : l’annonce du Christ.

Le verset évangélique « Allez vous aussi à ma vigne » sur lequel il s’appuya pour renouveler le travail missionnaire dans la partie rurale du diocèse reste encore pour les prêtres de ma génération l’appel à convoquer aux chantiers du Royaume.

Lors d’une rencontre à Mauriac, il y a deux ans, il m’interrogea longuement sur la vie du diocèse et il était manifeste que son cœur, sa prière, sa préoccupation étaient avec nous de manière très précise.

Ayant vécu le Concile Vatican II comme une grande espérance, il affronta les soubresauts qui traversaient, dans les années 70, l’Eglise et la société. Il resta extrêmement vigilant et attentif aux personnes, quelques soient leurs choix.

C’est bien, bon et fidèle Serviteur, entre dans la joie de ton maître.

mercredi 6 août 2008

Le cantique des cantiques

« Voici mon bien-aimé qui vient » chante le cantique. En écho le bien-aimé répond : « Viens ma toute belle ! » Le chant n'en finit pas de l'un à l'autre et s'enlacent les paroles comme les amants sous la lune dans le jardin. L'appel se prolonge jusque dans l'apocalypse de celui que Jésus aime : « Marana tha ! » - « Oui, je viens bientôt ! »
Entre le plus beau chant de Salomon et la Révélation de Jésus-Christ, il y a le jardin du tombeau où Marie est retournée sur elle-même pour une nouvelle vision.
Dieu aime ainsi comme un amoureux fou de sa toute belle. Mais qui donc est-elle cette belle ? L'humanité, l'Eglise, mon âme ? Que voit donc Dieu lorsqu'il parle ainsi ?
Mon regard est resté longtemps en arrêt. Que vois-je de moi, de l'Eglise, de l'humanité ? Mes yeux sont encombrés de mes difficultés. « J'ai peiné tout le jour sans rien prendre » dit l'apôtre « Nous n'avons pu le guérir » disent les autres. « Éloigne de toi de moi je ne suis qu'un pauvre pécheur ! » Et il y a le caractériel, le sot, l'infatué de lui-même, l'ambitieux, l'arriviste, le possessif, l'obsédé, le tyrannique, le superficiel, le fainéant, le méprisant, le colérique, l'impatient. J'en passe et des meilleures de moi et de tous les autres. Car tout ceci se conjugue au singulier et au pluriel, au masculin et au féminin, en blanc et en couleur, au nord et au midi, du plus particulier au plus institutionnel... Où est-elle sa toute belle ?
Ne me dites pas que j'exagère ; n'avez vous jamais plongé dans l'univers des êtres humains, essayé de bâtir le moindre projet dans un minimum de durée, vécu une amitié sans trouver quelque chose de cela en votre propre coeur ? Vous êtes bien innocent ! Il vous faut sortir de votre innocence sinon vous mourrez aveugles de naissance.
Qu'il veuille nous sauver, me sauver, c'est entendu, c'est nécessaire, c'est absolument indispensable ! « C'est une cause entendue! » dirait Péguy, les faits sont là. Mais trouver de la beauté comme un a priori ! Comment fait-il ?
« Je crois en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. » Dimanche après dimanche, le peuple de Dieu pose cette affirmation comme un constat et non seulement comme une espérance ou un doux rêve venu de Galilée. C'est toujours proclamé comme une réalité constitutive et déjà là. Ça fait symbole, ça nous met ensemble dés maintenant. Une confiance est posée qui n'en finit pas d'avoir à traverser les siècles et leurs histoires, les hommes et leur opacité. Où est-elle sa toute belle ? Bien sûr il y a quelques pépites de sainteté... Mais je connais trop les bonnes réponses ! Il y a du désenchantement dans l'air !
Mais, mon âme, est-elle pour lui « sa toute belle » ? Vais-je de chute en chute ou de relèvement en relèvement ? Sur le chemin il a chuté le Bien-aimé comme pour me relever ; et le salut me vient comme un grand sauvetage.
J'ai eu un moment de doute sur cette volonté de salut : « il faut encore qu'il fasse tout »; il me veut pour lui, y a rien à faire ! Serait-il cet énorme égoïste divin qui fait tout pour sa gloire ? Je l'imagine comme moi : intéressé !
Il revient ce doute sur la bonté de Dieu comme un des fondamentaux de toutes les cassures. Douter de la bonté voilà le mal originel qui me tient à distance ne voyant que ce que je projette déjà : la malignité. Il n'y a que bonté rien d'autre et cela m'est toujours inconnu. Je ne Le crois pas, je Le crois extérieur regardant par le trou de la serrure et guettant le faux pas pour venir à mon secours et se rendre indispensable, insupportablement indispensable ! Je crois l'amour comme je le vis spontanément : une prise de l'autre. Pour lui c'est comme un effacement, un anéantissement. « Il s'est abaissé ! » Il ne retient rien de lui ni de moi ; il est don absolu, rien d'autre, « nada ». Mes sens ont peine à suivre et pourtant tout mon être aspire à un tel salut, à une telle visite, à une telle réciprocité, à un tel anéantissement, à une telle radicalité. « Avez-vous vu celui que mon coeur aime ? » murmure l'âme en ses profondeurs joyeuses.
J'étais dans une impasse celle de Narcisse si fréquentée dans la vie spirituelle : la recherche de soi au prétexte de Dieu. Ici le miroir fonctionne et on cherche les fautes ou les quelques beautés préservées et fardées que l'on pourrait offrir ; l'âme se fait belle, croit-elle, ou pire coupable : c'est mortel ! Elle se regarde et finit par s'épuiser. C'est dans Son regard que l'âme est belle et non à mes propres yeux ! C'est Lui qui voit la beauté et qui la décrit. L'âme est belle de se voir ainsi aimée sans autre finalité que la gloire de l'amour qui est l'amour et rien d'autre: « IL a donné le Fils » le Bien-aimé. On existe dans ce regard, c'est comme une sortie de soi. Les amants, alors, non d'autre lieu que le jardin où le Bien-aimé apparaît dans la gloire de l'amour plus fort que la mort alors qu'on les croyait de même force. « Voir toutes choses en Lui » c'est bien le chemin : « C'est ta face Seigneur que je cherche, ne le cache pas ta face. »
L'enfant et la femme ouvre les chemins de la beauté première jamais disparue, jamais perdue, toujours dans le regard du Père. Il faut donc regarder à sa manière du côté des tout-petits et du consentement à être : « Qu'il me soit fait selon ta parole. » Il n'y aura pas d'autres signes que ceux là. Il faudra aller par delà l'écorce mais c'est une perle trouvée dans un champ, dans chaque champ de l'homme. Ce sont deux pains et cinq poissons, trois fois rien, mais c'est déjà quelque chose, dit le maître des mots. Un rien mais en perspective de la multitude, simplement offert au Bien-aimé.
Chaque fois c'est un peu mais c'est sans condition. Telle est la radicalité du Bien-aimé : tout sans condition. Mais ça ne peut être qu'un peu. C'est comme la pelote de laine, pour la défaire, il faut tirer un bout et non tout à la fois. Ainsi ma vie, un bout à la fois, un peu, comme ça vient, les jours de grand soleil ou les jours d'orage : livré au face à face absolument. Y aura-t-il l'heure favorable ?
Le coucher et l'éveil sont des moments références pour les amoureux. la nuit et sa couche, le réveil et son rituel. La main par le loquet qui fait frémir le ventre. La nuit comme dessaisissement total où enfin le Bien-aimé chuchote à l'oreille de l'endormie les mots de la tendresse. « Même le nuit mon coeur m'avertit! » Laissez la nuit à Dieu et à son conseil :« Dieu comble son Bien-aimé quand il dort. »

lundi 4 août 2008

Les doigts de pieds en éventail ? !



« Mon Père travaille sans cesse » dit Jésus, il n’arrête pas de nous aimer et pourtant, au septième jour de création, il prit le temps de goûter que « tout ce qu’il avait fait était très bon ! » et cela une journée entière. Comme le commente le livre de l’Exode 31, 17 : « En six jours, le Seigneur a fait le ciel et la terre mais le septième jour, il a chômé et repris son souffle.» Le jour du repos dans la Bible, le sabbat, est devenu ainsi le signe de l’alliance entre Dieu et son peuple : ce que Dieu a fait, le peuple le fait en mémoire de lui.
Il y a dans ces textes fondamentaux au moins quatre indications précieuses :
Le repos est lié à l’acceptation de la limite : Dieu s’arrête. « Arrête-toi, tu vas t’épuiser ! » Il y a un début et une fin à toute chose.
Le repos c’est se poser pour profiter du travail accompli. On déguste, on se rassasie.
Le repos c’est reprendre souffle. Le rythme de notre respiration est un signe de bonne ou de mauvaise santé. Avec une bonne respiration, on s’oxygène la vie ! On reprend des forces pour aller de l’avant.
Le repos a à voir avec Dieu. D’abord parce que Dieu n’est pas fatiguant et ensuite il n’y a pas plus reposant et détendant qu’être tranquille et paisible avec Celui qui nous aime. Nous éprouvons nos bonnes relations comme des lieux qui nous redonnent du tonus. « C’est reposant d’être avec toi ! » Ainsi en est-il de la proposition d’Alliance de Dieu avec nous.

Il y a des temps, ou des moments de notre vie où nous avons du mal à nous détende.
La surcharge de travail
Elle est liée souvent à la grande exigence de nos lieux de travail et à la course vers toujours plus de rapidité et d’efficacité. Les lois sociales, le dialogue social sont là pour trouver des solutions justes.
Mais quelquefois, c’est nous-même qui nous en mettons trop sur le dos. Nous avons du mal à nous arrêter, à mettre des limites et nous laissons la fatigue nous submerger, sans nous en rendre compte, à moins qu’un des symptômes les plus visibles soit notre irritabilité dans nos relations avec les autres. Mais le travail est un bon prétexte pour obturer en nous tous les passages par lesquels nos peurs et nos angoisses pourraient s’engouffrer. La générosité peut être ici un très grand piège. Il nous faut sûrement écouter nos amis lorsqu’ils nous disent : « tu en fais trop ! »
Il y a des jours où nous arrivons à abattre un travail très grand, nous sommes peut-être fatigué mais c’est une bonne fatigue qu’une bonne nuit de repos va réparer, c’est que nous n’étions pas encombré de nous-mêmes.
Le temps de la retraite peut être aussi un temps de surcharge. On en fait trop entre les sanctuaires et les oratoires, on court comme si Dieu m’attendait toujours ailleurs que là où je suis. « Dieu était là et je ne le savais pas… »

L’excitation
Elle peut prendre bien des formes : nourriture, boissons, ingrédients de toutes sortes, bruits, musique à ne plus s’entendre, le marathon devant la télévision, Internet, j’en passe et des meilleures… Ce sont bien sûr des leurres. Au début, cela peut être fort excitant et nous procurer plaisir et joie mais, au fur et à mesure, on voit ses forces diminuer et cette forme de détente, au lieu de nous permettre de reprendre souffle, de retrouver de l’énergie, cette forme là nous vide : « je suis vidé ».
Mais il y a des fêtes, des danses, des joies partagées, de la cuisine, de bons films ou d’excellents documentaires qui nous font respirer plus large, plus profond, qui nous donnent de goûter à la richesse et à la diversité de la vie. Il y a des fêtes, des moments de détente, où l’on a envie de dire « merci » en sortant et d’autres dont on sort en disant « je suis crevé, je vais dormir pour récupérer, demain je travaille ! »
Dans la v ie spirituelle on peut ainsi chercher aussi de l’extraordinaire, des émotions fortes, du miraculeux et on passe à côté des simples signes de foi, d’espérance et d’amour qui nous sont offerts.

Les préoccupations et les soucis de la vie.
A certains jours, on se sent comme écrasé. Il y a en nous une tension formidable, on est prêt à exploser, on a l’impression d’avoir tout faux, celui sur lequel on comptait n’était pas au rendez-vous, cette tache s’est révélée beaucoup plus complexe que prévu, je me suis fait engueuler par quelqu’un, la photocopieuse était en panne, et en plus la voisine est venue me raconter ses malheurs, comme si je n’avais que ça à faire. Je suis au bord de la crise de nerf ou de l’abattement complet selon mon tempérament. Et je ne vous parle pas de la peur du regard des autres, du jugement, du rejet ou de l’acceptation que je guette fiévreusement. Pour échapper à de telles périodes, je peux chercher l’isolement le plus complet, je ne veux plus voir personne et je me replie sur moi-même au lieu de me déplier. A d’autres moments, c’est plutôt l’étourdissement, l’oubli des soucis, le rejet des préoccupations. J’étais déjà noyé, me voici coulant à pic. Je ressors rarement frais et dispos de telles périodes, bien au contraire, je rajoute des handicaps à mes relatons amicales et professionnelles. J’ai tout pris sur moi comme si tout dépendait de moi. J’ai voulu tout régenter, tout contrôler et ça part de tous les côtés. J’ai un mal fou à laisser faire, à me reposer sur d’autres, à faire appel à des collaborations, à faire confiance à d’autres manières de faire et je suis débordé par les soucis. Au lieu de faire alliance, je m’isole dans ma tour d’ivoire et je suis le plus malheureux des hommes.Dans la vie spirituelle je peux laisser les soucis de moi-même et de mon progrès me dévorer, me mettant à la place de Dieu. Lui seul est le maître intérieur, lui seul donne le souffle de vie au jour de création et de re-création.


Il est donc nécessaire d’avoir de vrais temps de détente.
Qu’est-ce à dire ?
Prendre le temps de goûter ce qui vient : un paysage, une danse, un bouquin, des images. Prendre le temps, c’est ralentir, se poser, faire une pause, tranquillement. Je n’ai que ça à faire : apprécier. Etre pleinement là ! Non pas être sage, mais être totalement présent à ce qui m’est offert.
Prendre le temps pour ce qui est beau : les roses du jardin, une œuvre d’art, ma musique préférée, pas une beauté qui me séduit et me captive, mais une beauté qui me fait du bien.
Donner du temps à mon corps en cherchant le bon rythme : la marche, le sport, la danse. Je respire !
Donner du temps à l’autre pour la visite et pour se laisser visiter : le bonheur d’un bon repas entre amis, où l’on se fait des amis.
Etre créatif : modeler de la terre, écrire, peindre, sculpter, dessiner, inventer des fêtes, jouer avec les enfants, donner de mes nouvelles.
Mettre des limites, c’est se donner le moyen le plus réaliste d’éviter la fuite en avant, et de passer à côté de la vie et de ses richesses seuls chemins vers Dieu.
Profiter du moment présent, c’est déplier son âme, son corps, son être à partir de ce qui m’est donné.
Reprendre souffle, trouver un bon rythme, ce n’est pas seulement avoir une hygiène de vie, c’est se donner les moyens d’être bien dans ses baskets.
Plus je suis à présent à moi-même et aux choses de la vie pendant les temps de détente, simplement, humblement, avec douceur et intérêt, plus je serai présent à Dieu, avec tout moi-même, pendant les temps de prière, Le Seigneur se conjugue toujours au présent : « Je suis », l’éternel présent.

dimanche 18 mai 2008

Sommes-nous chrétiens ?

La fête de la Sainte Trinité résume toutes les autres. De Noël à Pâques nous avons parcouru l'histoire de la révélation que le Christ nous fait de Dieu. Et le Dieu auquel il nous invite à croire et à donner notre vie c'est le Dieu Père, Fils et St Esprit.

Etre chrétien c'est croire au Père au Fils et au St Esprit, un seul Dieu Trinité. C'est la structure fondamentale de la profession de foi baptismale. C'est sur cette révélation que l'Église est fondée. Mais sommes nous vraiment des croyants trinitaires ou de vagues déistes qui se perdent dans un problème de mathématiques lorsqu'ils entendent un seul Dieu en trois personnes ?

Croire en Dieu Trinité est le cœur de ce que le Christ est venu nous révéler. Son projet est de nous rendre participants de Dieu et de nous faire entrer dans la vie éternelle c'est à dire non pas la vie après la mort mais, dés maintenant, à travers peines et joies quotidiennes, de nous rendre vivants de la vie qui est Dieu lui-même. Extraordinaire nouvelle, merveilleuse paix au fond de notre être nous sommes faits pour être en Dieu, "par Lui avec Lui et en Lui !" Notre demeure c'est le coeur même de Dieu.

De quelle vie de Dieu le Christ témoigne-t-il ? Toute son histoire parmi nous est l'histoire d'un Fils. Et être fils pour lui c'est se recevoir sans cesse d'un autre. Il nous parle ainsi d'une source , d'un être source de toutes choses et de toute vie et qu'il appelle son Père et notre Père. Le dynamisme qui est en lui, le souffle qui remplie sa vie et qui le pousse sur les chemins de Palestine jusqu’à la croix, son Esprit, il nous dit qu'il lui est donné par son Père et qu'il le répand en nos cœurs. Ce souffle, cette énergie est sa communion avec le Père et cela lui fait dire : "le Père et moi nous sommes un".

Son projet est de venir habiter en nous : "Nous viendrons chez vous et nous ferons de vous notre demeure." Dieu se révèle ainsi à travers le visage de Jésus comme plénitude d'amour et plénitude de réciprocité. Croire et vivre de la foi en Dieu Trinité c'est entrer dans cette dynamique de la plénitude de l'amour puisque nous sommes créés à l'image et à la ressemblance de Dieu.

Voilà pourquoi nous croyons que nous ne sommes pas propriétaires de la vie, de notre vie, mais que nous la recevons comme une grâce, comme une chance, comme une liberté à faire. Etre croyants de ce Dieu c'est accepter la vie, toute sa vie avec toutes ses déterminations. Etre croyants de ce Dieu c'est décider, à chaque instant, d'aimer et vouloir que cette dynamique de l'amour soit la plus efficace. Etre croyants de ce Dieu c'est marcher vers un avenir, vers quelqu'un. C'est avoir une vie finalisée par un appel, une promesse. C'est aller vers le Père de tous les hommes et de toute vie. C'est vivre pour la gloire de Dieu.

Croire en la Trinité ce n’est pas faire confiance à une idée, un concept de Dieu, c’est entrer en relation avec la Personne de Dieu qui n’est que relation de personnes…. Pour être , à son image, une personne pour les autres.

lundi 5 mai 2008

Le Christ disparaît !

Enfin ! Oui enfin ! car « il est bon pour nous qu' il s’en aille » auprès du Père. Ce qu’il a vécu dans notre histoire, dans l’espace et le temps, voilà que désormais il le vit en Dieu et il peut nous être présent dans tous les lieux et dans tous les temps. Bonne nouvelle enfin réalisée ! Ce n’est plus sur les chemins de Palestine, ni il y a deux mille ans, c’est maintenant, tous les jours, n’importe où : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ! »
Il est au cœur de Dieu : l’un d’entre nous, enfin, a trouvé la place désirée de toute éternité. Entre Dieu et l’homme désormais c’est l’intériorité réciproque possible, réalisée !

Pour les apôtres, c’est un véritable travail de deuil qui s’accomplit, en leur cœur, entre Pâques et Pentecôte.
Pendant quarante jours, les apparitions leur ont permis de percevoir les signes que la vie éprouvée avant sa mort porte des fruits étonnants de joie dans la tristesse, de dynamisme dans la paralysie, de profusion dans l’échec. Sa vie a traversé notre mort ! Et tout travail de deuil est récolte en nos cœurs de cet inespéré.

Mais il faut le laisser partir, comme on voit partir un navire du port, pour gagner l’autre rive. Il ne faut pas le retenir comme si on voulait revivre, retrouver, momifier la vie ancienne. Il va en Dieu, notre terre de liberté. Il faut consentir à cet arrachement et regarder où nous mettons les pieds aujourd’hui, pour marcher grâce à cette vie qui a fait la traversée puisqu’elle est là toujours devant... devant c'est-à-dire en Dieu.

En attendant, nous voilà suppliant pour recevoir l’Esprit qui nous fera brûler du désir d’aimer ici et maintenant.

vendredi 18 avril 2008

La joie


D’abord l’enfant et son rire : ici la joie est comme une irruption de l’exubérance de la vie. Et il y a des rires d’enfants si cristallins ! Bien sûr les enfants n’ont pas que des qualités ...

La joie que nous donnent les enfants à un goût tout à fait particulier. Je pense à ce père de famille à qui je demandais ce que cela lui faisait d’être papa et qui me répondais devant sa femme médusée : « je ne croyais pas que je pouvais autant aimer ! » Je pense à une de mes filleules de cinq ans et demi que je quittais après trois jours de détente passés ensemble chez ses parents à qui je demandais « tu voudras que je revienne ? » comme pour me rassurer que le courant était passé et qui me répondait « non » et après un court instant continuer en disant : « je ne veux pas que tu partes ! » La joie qui fait craquer, qui nous attendrit, qui met de la tendresse dans la dureté de nos cœurs.

Dans la rencontre des hommes et des femmes qui se préparent au mariage on est mis devant la joie profonde d’êtres qui se découvrent en découvrant le don que l’autre leur fait de sa propre vie. C’est la première fécondité du couple celle où l’un et l’autre éprouvent qu’ils sont davantage eux-mêmes, davantage vivants : « voici l’os de mes os, la chair de ma chair ! » semblables et différents proches et complémentaires. Sans toi je ne suis pas moi ! Telle est la joie des amoureux.

Toutes ses joies sont appelées à passer au creuset de la frustration, du manque, de cette expérience qui ouvre en nous un vrai espace de liberté lorsque nous percevons que l’autre est autre, qu’il n’est pas en fonction de moi mais pour un autre. Les parents et toux ceux qui ont la grâce de travailler dans une œuvre éducative, de quel ordre qu’elle soit, apprennent que la joie la plus profonde n’est pas dans le constat qu’on a réussi à donner une bonne éducation, la foi et le reste mais que celui qui a fait notre joie parce qu’il venait de nous, a capacité, à son tour, de faire venir de lui de manière originale : il est un vivant qui rend vivant à son tour et cela ne dépend plus de nous !

Dieu crée en séparant et tout éducateur est appelé à vivre cette séparation pour éprouver la joie de voir l’autre être lui-même à son tour et vivre sa vie ! Il faut laisser partir, il faut quitter, il faut vivre l’absence et une certaine forme d’oubli. On apprend ainsi à aimer plus qu’à être aimé. C’est le P. de Caussade qui écrit : « on l’aimait un peu pour ses dons, ses dons n’étant plus aperçus, on en vient enfin à ne l’aimer que pour lui-même. »

Cette expérience humaine le Christ la mène à sa perfection. En Marie exultante au jour de la visitation, transpercée lorsque dés le départ elle sait que son enfant est donné pour le salut de toutes les nations, la joie traverse la surprise de Cana où elle est exaucée en premier, l’errance dans les bourgs et les villages où il semble avoir perdu la tête. En Marie Jésus révèle ce qui, à l’origine, lui a donné de consentir : sa foi en sa parole et son bonheur est d’être « celle qui a cru ». A la passion, elle doit lâcher ce corps reçu une seconde fois pour qu’il lui soit enfin rendu tout entier de la part de Dieu et c’est elle qui commence à naître en lui comme la mère de tous les autres. Au matin de la résurrection l’annonce la rejoint en premier puisque tout son consentement était à Dieu dés le commencement et elle trouve son Seigneur magnifique à jamais. Elle était sauvée par anticipation et elle voit par avance le chemin de résurrection pour Abraham et sa race à jamais. En elle, la joie est parfaite comme il l’avait promis et l’Eglise pressent qu’elle en sera. Elle n’a pas besoin du même type d’apparition que les apôtres à cause de cette avance que Dieu lui avait donnée, elle reste ce jour-là encore la Vierge de l’Annonciation. Elle est déjà dans le temps de l’absence, dans le temps de l’attente, dans le temps du grand désir : « Marana tha, Viens notre Seigneur » (Apo 22, 20) et comme elle est dans les savoirs du Père, elle entend pour elle et pour l’Eglise : « Oui je viens bientôt » (Apo 22, 21). La joie de Marie est toute décentrée, plus rien n’existe que celui que Dieu a ressuscité d’entre les morts pour être le premier d’une multitude de frères. Il est devenu « l’étoile brillante du matin » (Apo 22, 16) et il chante : « Je suis l’alpha et l’oméga le commencement et la fin» (Apo 22, 13). C’est en Lui désormais qu’elle se tient, c’est de lui qu’elle est joyeuse, elle est toute à la joie de sa joie.

jeudi 17 avril 2008

La compassion

C’est une réalité difficile à vivre, c’est un sentiment intérieur que l’on ne peut se donner. On sait bien qu’on peut avoir dans ce domaine des attitudes forcées. La relation à celui et à celle qui est dans le malheur, la maladie, dans l’agonie alors que moi je suis en bonne santé, vivant et finalement sans trop de problème est une relation périlleuse. Elle me met comme en déséquilibre, comme en porte à faux. Il suffit de penser à notre mal à l’aise quand nous allons voir certains malades. Se révèlent alors en nous des peurs de toutes sortes :
La peur de l’inefficacité : on ne sait quoi faire ; on est mis devant l’inutilité de la question du comment : « ça va ? » ; on meuble, on est gaffeur.
La peur de ne pas savoir quoi dire nous fait cumuler parfois les maladresses, le pire est de ne pas s’en apercevoir, si on était lucide on les verrait dans le regard de celui que l’on visite.
La peur de la froideur, de rester insensible : c’est quelquefois terrifiant d’expérimenter que l’on n’éprouve rien devant le malheur des autres et même et surtout de gens qui nous sont chers. Serais-je bouleversé ou simplement attristé ou pire dur en moi-même ?
La peur de ne pas tenir, de s’écrouler, la peur qui va jusqu’au refus de voir la mort en face.

La compassion aujourd’hui se donne en spectacle. La misère du monde est un lieu formidable de déploiement de générosité : Sidaction, Téléthon et autres grands manifestations où l’on voit des gens de toutes conditions y mettre du leur pour faire grossir la masse d’euros qui aidera à trouver la solution. On expose des malades, on met en scène pour faire cracher au bassinet. Il y a eu pendant quelques années la vague de l’humanitaire et de ses bateaux de riz aux échecs retentissants. On a dénoncé cette charité spectacle, nouvelle bonne conscience médiatique ; à chacun ses bonnes œuvres, ces dames d’œuvres, ces collectes de charité, ces bols de riz prétextes. Mais à longueur de journée ont voit le malheur faire la une ! Notre petit écran déverse tout cela à profusion. Comment compatir avec toute cette misère, avec tous ces humains, avec toutes ses situations catastrophiques ? Nous sommes débordés totalement et c’est l’indifférence qui risque gagner du terrain. A la rigueur nous pourrions être indignés mais demain nous devrons passer à une autre indignation.

La compassion est d’un autre nature. C'est être avec l’autre dans sa souffrance, dans sa passion. Il me semble que c’est une question de positionnement, de hauteur ou plutôt il s'agit d’être de plein pied. Nous sommes comme n’importe qui, ni plus ni moins. Ne pas arriver avec tout un attirail qui nous met en surplomb comme c’est difficile. Il y a le surplomb de la technique, de la commisération, de l’apitoiement. Mais on regarde toujours de haut ; comment se faire l’égal, le traiter en égal de plein pied ? Quand je me tiens en présence de quelqu’un, à quelle hauteur je me tiens en moi ? Le chemin de fraternité le plus sûr est dans la prise de conscience de notre condition commune. Reconnaître que notre commune misère, notre solidarité dans l’humaine condition passe par la prise en considération en soi de nos souffrances, de nos blessures qui nous mettent de plein pied avec celui qui est le blessé, qui est le souffrant que je visite. Sans ce réalisme je resterai à distance, il s’agit de l’aimer comme je m’aime moi-même et la compassion est un chemin rude de réalisme envers soi-même, d’accueil, d’amour, de miséricorde envers soi-même envers ses limites, ses souffrances, ses blessures.
Comme en toute chose il nous faut donc contempler le Christ pour entrer dans l’attitude la plus humaine, pour comprendre notre humanité et ce en quoi devenir un être de compassion nous fait plus humain avec lui. Il me semble qu’il apprend cela à Pierre dans les jours de la passion. Au départ il lui dit bien : « là où je vais tu ne peux venir. » Et Pierre fait cette expérience criante de ne pas en être dans le fond et, le regard croisé dans la cour, le met en compassion de lui et c’est bien sur lui qu’il pleure, éprouvant enfin sa misère. Le lavement des pieds avait symbolisé cela et il n’avait pas compris comme d’habitude. Pourtant le Christ c’était mis à la bonne hauteur. Pour avoir part, il faut commencer par le plus bas, par le moins digne. Pour être à la bonne hauteur avec l’autre, il faut, comme le dit l’apôtre, le considérait « comme supérieur à nous », « tous les autres » insiste-t-il. C’est pourquoi il nous faut devenir un enfant et voir les gens par en bas, c’est là que l’on y gagne en bonne distance, que l’on se trouve enfin de plein pied !

Le plus difficile est la compassion avec le mourrant car là tout est redoublé parce qu’il n’y a pas d’issue. La compassion est la plus dure dans les situations d’impasses.
Qu’est-ce que l’on demande finalement ? D’être mis avec le Christ sur la croix ! En lieu et place avec lui ! Incroyable chemin où nous conduit son amitié, là où dans l’instant unique Pierre ne pouvait le suivre voilà qu’il lui donne d’y être à son tour conduit « un autre te mènera là où tu ne voulait pas aller »… En lieu et place... telle est la compassion dernière qu’il nous offre comme chemin de compagnonnage. Mais ici, comme à la croix, le silence doit se faire grandissant et il n’y plus rien à dire sinon : « entre tes mains je remets mon esprit. » et consentir à ne plus comprendre mais à être compris - du dedans - pour devenir, s’il est possible un jour, lumineux de cette présence.

mercredi 16 avril 2008

Contempler le Christ


La vie des apôtres est une vie toute entière sous le regard du Christ, dans le regard du Christ. La vie des apôtres est un apprentissage continuel de l'attitude de contemplation : trois ans dans la présence réelle et corporelle du Verbe de Dieu, trois ans dans le compagnonnage du Fils Unique. Jean le baptiste, le précurseur, celui qui pose son regard sur le Christ qui passait, se trouve établit par ce regard même comme compagnon de l'Epoux : "Ils vinrent trouver Jean et lui dirent : " Rabbi, celui qui était avec toi de l'autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise et tous viennent à lui ! "Jean répondit : " Un homme ne peut rien recevoir, si cela ne lui a été donné du ciel. Vous-mêmes, vous m'êtes témoins que j'ai dit : "Je ne suis pas le Christ, mais je suis envoyé devant lui. " Qui a l'épouse est l'époux ; mais l'ami de l'époux qui se tient là et qui l'entend, est ravi de joie à la voix de l'époux. Telle est ma joie, et elle est complète. " (Jean 3, 26-36)

La vie ecclésiale faite de vie fraternelle, de prière et de louanges partagées, écoute de la Parole et d'intériorisation de ses appels creuse en nous le désir d'être humblement un disciple du Christ. Il ne s'agit pas de faire des progrès, il s'agit de progresser vers le Christ, d'être avec le Christ, de suivre le Christ. Insensiblement la pratique de la vie baptismale me décentre de tout souci de moi-même ; s'il en reste toujours un peu quelque chose, peu importe, puisque j'ai le désir de demeurer en lui et qu'il demeure en moi. La prière de contemplation va nous adapter à cette recherche renouvelée.

La rencontre aimante du Seigneur consiste à le regarder longuement, à le regarder dans tous les détails pour mettre nos pas dans ses pas, pour ne rien perdre de sa trace. La prière va chercher à entrer dans son histoire pour que mon histoire soit un reflet de Lui. L'attitude intérieure va se faire écoute attentive, observation des gestes, des attitudes, des déplacements, des réactions qu'il a eu sur les chemins de Palestine, dans les bourgs et les villages où il est passé, dans la ville de Jérusalem puisque ce qu'il a montré là, c'est ce qu'il est éternellement avec son Père grâce à l'Esprit Saint. Le rejoindre là, me tenir là, avec lui, auprès de lui pour le servir en tous ses besoins.

Je regarde qui est là : Jésus et tous les personnages de cette scène évangélique.

J'écoute ce qu'ils disent, j'observe ce qu'ils font et chaque fois ce que je vois, ce que j'entends, ce que j'observe, je le laisse se réfléchir sur moi comme si la lumière qui se dégage de ce tableau voulait éclairer, donner des couleurs à ma vie. Il ne s'agit pas de regarder ce que le Christ vit et ensuite de regarder ce que j'en vis ou comment je pourrais le vivre; une telle attitude serait comme un processus de photocopie, mais l'Evangile n'est pas un magasin de prêt à porter, c'est plutôt du sur-mesure. Il ne s'agit pas d'appliquer l'Evangile comme on s'applique une crème de beauté, il s'agit de s'appliquer à être là où il est. Il ne s'agit pas de tirer l'Evangile à soi, mais de se laisser attirer par le Christ comme une séduction profonde de l'être , comme une contamination. L'Evangile n'est pas un petit livre rouge ou bleu à appliquer mais c'est un lieu de rencontre pour pratiquer la fréquentation du Christ.

Les dromadaires de Sebba ! novembre 2007

Etienne et Damien ont commencé avant moi ! Redoutable !

Les enfants ont pris la plume en premier. La barre est haute. Ecrire après l’enfant : un vrai retour. L’écriture à nouveau comme une naissance. Le désert se donne comme l’encrier de l’âme ; il en sortira un désir renouvelé !

C’est la promesse du jour qui s’est couchée sur Sebha.

La lune par le hublot est pleine, elle sera notre lampadaire de chaque soir.

En parlant dans la tête et dans le cœur la plume s’est mise en route.

Bébert et Luc, Jef et Béa, Marie, Olivier, Etienne et Damien ont enjambé les mers pour prendre un bain de sable.

Dans quel sens avez-vous passé la frontière ? Comme un européen qui va en Afrique ou comme un Africain arrivant en Europe. Si vous voulez apprécier la rapidité des formalités à la frontière (près de deux heures) mettez-vous dans la posture de l’Africain et regardez attentivement, vous aurez même le temps de faire un tarot en attendant tous les tampons, avec en prime les conseils des douaniers.

Marie, Etienne, Damien firent la découverte de l’humour libyen, on les trouvait trop jeunes pour marcher dans le désert.

Sur le parking de l’aérogare un repas nous attendait : une bonne soupe de légumes, quelques nouilles chaudes, les premières dattes et nous voilà embarqués dans trois 4X4.

Après la grande route éclairée qui nous fait sortir Sebha, nous nous enfonçons dans les premières dunes. Il y a du vent, c’est deux heures du matin. La tente Allibert nous abrite pour la première nuit trop courte. Les Maraud résistent bien sûr et eurent leur première nuit étoilée.

La nuit de pleine lune inviterait à l’éveil fasciné devant tant de clarté retenue. Mais la fatigue du jour nous entraîne jusqu’au lever du soleil.

La nuit fut somptueuse. La lune donne sa couleur dorée à la terre. Mais je suis déjà à la deuxième nuit sous les étoiles au bord du lac salé. Que ne reste-t-il d’hier déjà si loin. La première salade Allibert, sous les tamaris, aux légumes frais préparés par Saïd, le franchissement de l’erg à moteurs forcés, la longue traversée dunes après dunes, de toutes formes, aux couleurs changeantes, le premier lac asséché et sa boue salée qui fait des briques à construire et à transporter, enfin Oum El Ma, la « maman de l’eau » dont nous ferons un premier côté avant le délicieux couscous de Saïd. Etranges eaux salées dans une mer de sable entourée de palmiers et de roseaux presque immobiles. Nous y verrons un crocodile, mais Etienne ne nous suivra pas dans cette vision.

Et la nuit revient avec son manteau étoilé.

Je dors enfin longtemps, la nuit du désert me répare et fait son travail que les nuits de Bordeaux n’ont su opérer.

Au matin nous faisons le tour par l’autre côté du lac sur les traces du fennec, du chacal, de la gerboise, des souris, du corbeau. Le sable garde mémoire un instant des passages de la nuit, le vent en effacera la trace et demain paraîtra neuf.

Le lac est un miroir totalement immobile, le reflet semble plus vrai que le sujet, premier mirage du jour.

Dodo remplit son chèche de dattes qu’il offrira aux cinq autres coéquipiers qui nous assurent un confort maximum dans des conditions minimales.

Retraversée de l’erg, plongée dans le sable en forme de pyramide, quelques traces blanches de sel et nous nous arrêtons dans la vallée pour la salade Allibert aux fèves délicieuses.

La montée sur le reg se fait en fin d’après-midi, la chaleur est forte encore, on va vers le sud, il y fera de plus en plus chaud. Les 4X4 nous amènent en train d’enfer sur un immense reg : 60 km de traversée de rien, du rien à perte de vue et soudain un vieil acacia étonné d’être là, un buisson qui n’en revient pas d’être si isolé, et encore rien jusqu’à la barrière des coloquintes par milliers.

Ramassage de bois et bagarre de coloquintes avant d’arriver au creux des dunes par le soleil couchant, magnifique disque qui s’enfonce en terre jusqu’à demain si Dieu le veut.

Le sable se pare des couleurs chaudes du soir, l’orange domine.

Le repas se prépare, les artistes décorent aux tisons les coloquintes rescapées.

La première étoile vient nous dire bonsoir. C’est grandiose, le vent est doux.

J’adore ces grandes étendues de rien où la moindre chose apparaît toute entière. On a envie que l’intérieur soit ainsi fait de rien pour que le moindre détail apparaisse comme le cadeau de Dieu. Il fait beau à l’intérieur. Le désert a cette belle vertu : il débarrasse.

Aujourd’hui j’ai pu dormir à toutes les haltes, le désert emporte ma fatigue des jours encombrés de tout.

La nuit n’est plus de pleine lune, elle a perdu sa lumière et tend désormais vers la grisaille du dernier décan.

On prend le temps du réveil eu milieu des dunes. Etienne et les autres vont rouler et courir depuis le haut des dunes, il y a du sable à perte de vue.

Nous marchons un peu pour admirer, et les 4X4 nous emmènent sur le reg blanc, on devine à côté le reg noir que l’on va bientôt prendre pour aller voir les gravures rupestres. Douze mille ans nous séparent des plus anciennes. Eléphants, autruches, girafes, crocodiles, rhinocéros sont les traces d’une vie disparue.

Le désert nous donne la vie dans les traces qu’elle laisse et qui traversent les âges. Pour le reste c’est toujours rien à perte de vue « A la mesure sans mesure de ton immensité, tu nous manques Seigneur » dit le cantique.

Le désert repousse la limite, ces grands plateaux de pierres noires ou de sable repoussent à l’horizon le point d’arrêt, on pourrait rouler ainsi des siècles sans atteindre le bord. L’infini est inscrit au bout de l’horizon des hommes.

Seul un arbre seul arrête un instant la course sans fin du regard et l’acacia têtu au milieu de rien dit l’obstination à écrire malgré tout quelques hiéroglyphes qui laissent d’autres traces venues des créatures.

Le soir Dodo nous montre, au bivouac, celles du chameau, de la gazelle, du lézard, la maison écroulée sur son monticule en cas d’inondation d’un autre âge.

Le soleil, ce soir, se cache pour dormir, les nuages en gardent la couleur rouge.

Un bout de bois pétrifié redonne encore des traces.

Décidément j’ai cru aujourd’hui que le blanc et le noir me parleraient des choses tranchées, à trancher, il faudrait faire la différence.

Ce soir c’est la trace qui touche en moi la vie des hommes et la trace de l’infini de Dieu, la trace qu’il faut suivre en traversant le blanc et le noir, la trace qu’il faut déchiffrer, la trace qui ouvre un autre voyage celui du rêve de l’humanité qui s’obstine à vivre ?

Pendant ce temps les enfants jouent à s’enterrer !

J’allais oublier le vol de perdrix au puits. Des images de plats succulents viennent à mes lèvres. C’est sûr, je ferai le repas du retour !

La nuit fut d’un seul tenant ! La lune en plein milieu du ciel tient jusqu’au matin après le coucher des étoiles, l’œil de l’enfant la nomma étonné.

Une heure de marche permet à nos guides de faire du bois pour la journée.

Nous suivrons la trace de la gazelle, on en comptera jusqu’à quatre dans le fond de l’oued ; son sillon s’est bien rétréci mais sur la plus grande entaille, quelques gravures rupestres marquent la limite des grandes eaux.

Nous prenons l’oued pour sortir du plateau, la rivière a creusé un lit de plus en plus large.

Le paysage évoque le Colorado, on roule ainsi presque deux heures avant d’aboutir sur une grande plaine aux bords de bout du monde, toujours rien à l’horizon, rien, la mer que voient nos yeux semble l’extrême limite de la terre après y aura-t-il quelque chose ?

On roule de bord en bord d’horizon, puis peu à peu une légère couleur pastel, dans les saumon clair, barre l’horizon nous allons traverser des rangées de dunes, on est à nouveau immergés dans le sable.

Au loin l’Akakus se dessine un peu sombre au sommet d’une dune brûlante. Dodo nous donne quelque indications avant d’aborder le massif vers la gauche : le Tibesti, en face Ghât.

Nous voici partis à la recherche d’un point d’ombre pour la salade de midi.

On entre au pays du noir et de l’orange, de la pierre et du sable, des géants en équilibre, des génies en forme d’humains ou d’un bestiaire imaginaire.

Le point d’eau sert de salle de douche, Ahmed donne le départ et tous shampooingnent leur chevelure hirsute et l’on reprend la course dans la splendeur.

Les voitures nous donnent le temps pour marcher. Le temps de voir les géodes, les couleurs qui deviennent profondes quand le soleil décline. On monte la grande dune et assis on écoute le chant des Béatitudes. On y est admis par la grâce de la création. On resterait là si… j’ai envie de me raser pour être propre face à cette beauté, encore une histoire de séduction, éternelle histoire du ravissement qui risque s’arrêter, mais il faut prendre la route et voir plus loin ce qui nous a été préparé sans qu’on y soit pour rien.

La première arche avait trois pieds, comme si un mammouth était rentré dans la falaise, et on ne voyait plus que son énorme derrière ; nous marchons trois heures d’arche en arche sous le soleil de plus en plus ardent, d’ombre en ombre - « à l’ombre de tes ailes, je trouve la fraîcheur » doit dire un psaume quelque part - de moulin en moulin, de creuset et creuset pour le grain, le feu, le vin, le linge.

L’akakus nous ouvre à ses fantômes de champignons énormes, de tours crénelées, de bonhommes aux mille positions ; toujours le noir et l’orange, l’acacia solitaire, l’euphorbe et ses fruits éclatés, le désert nous entre par la soif et la beauté.

Dodo nous guide doucement en bon maître d’école. Il fait bon s’arrêter pour la salade de chaque jour ; refaire quelques forces, déjà on sait que la nuit sera bonne, mais les 4X4 l’après-midi nous conduiront vers d’autres arches.

La grande majestueuse, celle à plusieurs piliers comme une cathédrale et nous découvrons les peintres du désert 6000 ans, 8000 ans nous séparent de ces peintres rupestres aux couleurs rouge, nous redonnant la vie enfouie du fond des âges, les bergers, le chameau et son chien, des vaches et des bœufs, des antilopes, mais sur les gravures, les âges s’enchevêtrent.

Je ne sais plus si je suis dans un monde cassé de partout, démoli, en ruine, aux pierres si fragiles que tout va se réduire, un grain de sable qui prend les grosses dents noires d’assaut, pour les ensevelir, monde ancien à jamais derrière nous qui intéresse si peu les enfants, une peinture rupestre ça va, mais à la quatrième tout ça est bien barbant.

Mais si c’était le premier jour du commencement du monde, et si il n’y avait eu jusqu’alors que des balbutiements, quelques tâches, indices de ce qui germait dans les cœurs, les esprits et qui éveillait l’âme, et si les modules qui jonchent le fond des mers des sables après les océans indiquaient ce commencement toujours à l’œuvre comme une création.

Et si cet amas qui, à perte de vue renvoie de la beauté, creusait un supplément d’âme où à partir de rien on va enfin trouver un vrai chemin d’humanité débarrassée des choses pour sortir d’elle-même, ouvrir grand les yeux et chanter doucement, fortement l’allégresse de la vie toujours première.

Le soleil réapparaît pour notre dernier coucher dans le désert, comme s’il voulait nous dire au revoir ; tout ce jour il s’est caché derrière les nuages gris, pourtant, l’autre matin, il nous avait montré son art de peintre et avant de paraître il avait déployé ses plus belles parures, un instant on pouvait croire qu’il avait pris les couleurs du sable ; au petit matin alors que le sol était encore dans la grisaille de la nuit, les nuages avaient pris des couleurs orangées comme un monde renversé quelques minutes et la lumière envahissante progressivement noyait tout dans son éclat.

Aujourd’hui rien de tel pour sortir du Tatrard et traverser l’Akakus, le ciel était sombre sûrement de nous voir partir, ou bien pour nous faire découvrir les couleurs des peintures rupestres qui jalonnaient notre chemin, les traits fins de plus de 6000 ans, nous reconstituaient une noce, un combat, des bœufs tirant des chars, la girafe, les chiens, les femmes et les guerriers.

L’Akakus revêt ce soir au soleil couchant sur la plaine au doigt pointé vers le ciel, comme un voile et demain ce sera dans nos yeux que le noir et l’orange, le brun foncé et le sable clair joueront pour mettre en scène entre les gros blocs de grès noirs oxydés par le temps des personnages mi-géants, mi-fantômes posés comme en attente de résurrection, des corps pétrifiés posés sur le sable entre lesquels sillonnent les 4X4 !

Une méharée est arrêtée à un site rupestre, de quoi nous faire envie pour un prochain voyage, mais il faudra que j’apprenne à guérir du mal de chameau.

Saïd prépare le repas, il nous aura bien soignés, midi, matin et soir jusqu’au pain grillé, il ne manquait plus que les croissants.

Ahmed, le rigolo, Chabani le rieur, Amdam le sage conduisaient nos 4X4 ; leurs rires, les salutations échangées avec les autres touaregs croisés sur ces routes, leurs chants joyeux le soir autour du feu de camp à l’aide de bidons transformés en tambours avec les chèche blanc, la course par moment pour jouer sur les grandes étendues, mais la voiture de Dodo est toujours laissée en premier, trois joyeux drilles qui, avec Saïd l’élégant et Dodo notre maître à tous, ont su nous donner un petit air de la joie de vivre des Touaregs, de leur grande gentillesse et de leur belle hospitalité.

Nos trois plus jeunes Marie, Damien et Etienne ont bien sympathisé entre eux et avec eux et ils emportent au moins pour quelques jours un nombre impressionnant de mots arabes, peut-être même quelques uns en touareg. Leurs rires et leurs chants ont résonné dans la nuit pendant que le sommeil m’emportait.

Edriss, l’œil de Tripoli, s’y est mis progressivement et a joué avec les enfants. Je serai curieux de voir ce qu’il a noté de notre groupe sur son rapport aux autorités ?

Dodo et son chèche blanc et sa gandoura verte nous a introduits lentement, savamment, avec doigté, j’ai même eu hier soir l’honneur de servir le repas avec lui, il avait compris je pense ce que je faisais dans la vie.

Olivier était entre les vieux et les enfants, il a été avec les uns et les autres, l’appel de « Maman » restait le lien. Enfin Bordeaux n’est plus très loin et la belle vie va pouvoir commencer…

La veillée fut de chants et même un beau (paraît-il) sur Marie. Ahmed se serait lâché ; les jours précédents, la veillée fut de contes et d’énigmes.

Pour connaître le conte du chacal et des pintades, prenez rendez-vous avec Dodo dans un coin de l’Akakus le soir au feu de bois, il ira même jusqu’à vous pour l’énigme du bonhomme trouvé nu et mort sur le chemin avec un brin de paille dans la main ; pour la réponse, même adresse, je vous la recommande.

La nuit fut courte et la lune, du moins ce qu’il en restait, brillait encore fort lorsque Dodo sonna le réveil sur la timbale. Il fallait s’arracher au sable, on décida de faire grève et de rester, mais il nous fallut toute la journée pour rejoindre Sebbah, la route est immensément droite, sur des centaines de kilomètres entre Ghat et Ubarri, deux virages un à droite, l’autre à gauche.

On forme un train de minibus Allibert pour remonter vers le Nord groupés.

Dodo et Edriss nous accompagnent jusqu’au bout. Des voitures nous voyant le Mezzat sur lequel nous avons circulé deux jours, quelques torchères sur la gauche se font discrètes. Ubarri, gros centre commercial, Germa à nouveau et le camping pour la douche, le bruit, la télévision… on nous réintègre peu à peu dans l’univers familier.

« Qui fait un tarot ? » la voix de Damien résonne dans la salle d’embarquement. Son appel a résonné à chaque étape de chaque jour ; il est souvent arrivé à ses fins, Marie n’était pas le dernière.

Paris Charles de Gaulle est à 3h 30 avec le froid. Le tadrard est en direction de Sabah, alors après les dromadaires de Sebah peut-être (Inch Allah !) verrons-nous ceux de Saba ?

mardi 15 avril 2008

Le mariage chemin de Liberté


la décision de se donner à quelqu’un est, non seulement l’expression d’une liberté, mais également le début d’un chemin de liberté.
Plus de 122 000 mariages sont célébrés chaque année en France dans les paroisses catholiques. Plus de 50 % des mariages civils. Lors de la célébration de ce sacrement, le prêtre s'adresse ainsi aux fiancés : " Vous avez écouté la Parole de Dieu qui a révélé aux hommes le sens de l'amour et du mariage. Vous allez vous engager l'un vers l'autre. Est-ce librement et sans contrainte ? "
Il s'agit bien donc de liberté, d'une liberté constatée, d'une liberté à construire. Que de fois j'entends les copains d'un futur marié le chahuter en disant : " ça y est, tu vas avoir la corde au cou ! " Que de fois, les réflexions spontanées des jeunes, et des moins jeunes, évoquent le mariage comme une contrainte, comme un lieu de restriction, comme une expérience d'empêchement. La proposition de Dieu est tout le contraire et c'est étonnant. C'est toujours étonnant de considérer que la décision de se donner à quelqu'un est, non seulement l'expression d'une liberté, mais également le début d'un chemin de liberté.
Pourquoi disons-nous qu'il s'agit là de liberté et non de devoirs et d'obligations? Parce qu'en vivant ainsi on expérimente comme un déploiement de notre être, on éprouve que l'on devient plus véritablement soi-même, on perçoit une plénitude. Et l'on est d'autant plus libre, que l'on est humble, c'est-à-dire que l'on éprouve que l'on est bien à sa place, et que l'on donne à l'autre toute sa place, sans l'étouffer, sans le réduire, sans se diminuer; simplement soi-même. Sur ce chemin de liberté, le Christ nous invite à sa rencontre, et nous offre sa propre liberté comme chemin de vie.
Aimer, pour le Christ a le goût de la liberté. L'amour qui rend libre est cette attitude décidée où l'autre et son bonheur est au centre de notre préoccupation. Etre libre, c'est devenir serviteur du bonheur de l'autre. Oui, l'amour qui rend libre est essentiellement dans le don total de soi. C'est des grands mots, mais pour désigner des attitudes simples, des comportements humbles et quotidiens. Saint Paul les énumère : "Joie, paix, patience, affabilité, bonté, fidélité, douceur, tempérance."
Le témoignage de la liberté est un des services essentiels que les disciples du Christ peuvent rendre à leurs contemporains. Nous percevons bien, à travers les nombreuses difficultés que rencontrent beaucoup de couples qui se disloquent, et très vite après leur engagement alors que la plupart ont pu vivre de longues années préalables ensemble, combien le jeu des affections, des désirs, des passions peut être prison insupportable dont on cherche à s'échapper, parce que, à la suite du Christ, nous expérimentons que la vraie liberté est de l'ordre du don absolu et non de la reprise, parce que nous proposons une manière de vivre qui construit une vraie humanité en nous.